Cantique décadaire perpétuel

Auteur(s)

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Huitains en rimes plates

Paratexte

« Perpétuel », ce mot pourrait être pris dans un autre sens que je l'entends. Perpétuel, c'est-à-dire, applicable, par son objet (Dieu), à toutes les fêtes de l'année, indépendamment du cantique caractéristique de chaque fête prise isolément.

Tu solus Deus altissimus

Texte

Air : Nous ne reconnaissons

Dieu juste ! Dieu puissant ! Dans cette auguste enceinte
L'Homme enfin n'admet plus que ta majesté sainte.
L'imposture a fait place à l'utile clarté
Du flambeau de la Vérité.
L'encens n'est dû qu'à toi : nous n'avons plus de mageMage ou magicien, imposteur, faiseur de dieux et de tours de passe-passe. Moïse est regardé par Pline et Varon comme un escamoteur. Néron eut des mages pour conseils : comme ils en étaient bien payés, ils lui faisaient croire qu'il avait le pouvoir de se jouer des hommes. Un roi de sa façon, Tyridote lui avait envoyé ces coquins-là
Qui dans un Attila nous offre ton image.
Nous ne reconnaissons, dans ce vaste univers,
Que le Dieu qui, d'un souffle, a fait tomber nos fers.

Terre ! Enfante des fruits ; étale tes richesses.
Tu les dois à ce Dieu, si grand dans ses largesses !
Ses bienfaits répandus de toute éternité
Sont les gages de sa bonté.
Disparaissez faux dieux, Jules, Octave, Alexandre,
Qui faisiez tout trembler, qui mettiez tout en cendre…
Nous ne reconnaissons, dans ce vaste univers,
Que le Dieu qui, d'un souffle, a fait tomber nos fers.

Droits sacrés des mortels ! Charte de la Nature !
Titres du genre humain ! Si quelqu'un vous abjure,
Qu'il périsse ! Il le faut : c'est le flatteur des grands.
Les flatteurs ont fait les tyrans.
Le Français a frappé ces déités mortelles
Au front couronné d'or ou brillant d'étincelles.
Nous ne reconnaissons, dans ce vaste univers,
Que le Dieu qui, d'un souffle, a fait tomber nos fers.

Portez-vous en esprit à la voûte céleste ;
De là, comme un néant, vous verrez tout le reste.
Tous vos rois détrônés n'ont pas même un tombeau :
Le sage a tout mis de niveau.
L'orgueil affecte en vain le séjour du tonnerre…
Le fourbe Mahomet n'a pas quitté la terre.
Nous ne reconnaissons, dans ce vaste univers,
Que le Dieu qui, d'un souffle, a fait tomber nos fers.

Prêtres, qu'un triple orgueil orna de trois couronnes !
Despotes révérés, qui disposiez des trônes !
Un successeur vous reste, et l'imbécillité
Voit en lui la divinité.
Le monstre cependant ne prêche que la haine…
Ridicule pagode ! Ah ! Ta chute est certaine.
Nous ne reconnaissons, dans ce vaste univers,
Que le Dieu qui, d'un souffle, a fait tomber nos fers.

Jadis au cœur de l'homme il grava ses maximes.
C'est des vertus qu'il veut et non pas des victimes.
Pourquoi donc l'Ibérie, aux ordres d'un tyran,
Adore-t-elle un Dieu de sang ?
Moderne PhalarisPhalaris, tyran d'Agrigente : il accepta l'hommage d'un taureau d'airain que l'on faisait rougir, et où l'on jettait des hommes vivans. Le roi d'Espagne fait également rôtir les gens qui parlent sans respect de Jésus et de Marie ! Tremble qu'un jour nos braves
N'aillent, la foudre en main, chanter à tes esclaves :
Nous ne reconnaissons, dans ce vaste univers,
Que le Dieu qui, d'un souffle, a fait tomber nos fers.

Ô source de vertus ! Ô divine morale !
Entre le Ciel et nous ne mets plus d'intervalle.
Règne et l'homme est heureux ; il n'a plus qu'un autel,
Un dogme unique, universel.
La vérité qui luit, comme un géant s'avance…
Fuis, ton joug est brisé, barbare intolérance !
Nous ne reconnaissons, dans ce vaste univers,
Que le Dieu qui, d'un souffle, a fait tomber nos fers.

 
 

Sources

BNF, Ye 28586.