Solitude et l'Amour (La)
Paratexte
Pièce de vers lue à la séance publique de l'Institut national, le 15 germinal an 9
Texte
[…]
Amour ! Qu'ils m'étaient chers tes prestiges charmants !
Hélas ! Nous regrettons jusques à tes tourments ;
Nous briguons tes faveurs, nous cherchons tes orages ;
Tu nous plais sur tous les rivages ;
Tu nous défais du temps, de nous, de notre ennui ;
Ton charme est tout puissant, tout est heureux par lui,
Les rois et les bergers, les fous comme les sages.
Tu couvres le présent par les plus tendres gages ;
Tu fais par la magie avancer l'avenir.
Ah ! Si vers le passé nous pouvions revenir,
Et, du moins par le souvenir,
Glaner dans ce pays, plein de douces images !
Ah ! Que n'es-tu de tous les âges !
Songe trop enchanteur, devais-tu donc finir !
Mais d'où vient qu'à l'instant le bronze de la guerre
Fait retentir au loin les airs épouvantés ?…
Ne craignez point, jeunes beautés,
C'est la paix, c'est la paix qu'il annonce à la terre,
Dans nos champs à la fin la paix est de retour ;
Que ce doux nom va bien avec celui d'Amour !
Le fer de nos héros la donne à la patrie.
Amants heureux par ses bienfaits,
Dans les bois ou dans la prairie,
Promenant votre rêverie,
Si vous trouvez quelque antre frais,
Gravez-y bien, je vous en prie,
Les grands noms que soudain la République a faits :
Nos Marceau, nos Moreau, Kleber, Joubert, Desaix,
Desaix, tombé si jeune au milieu de sa gloire ;
Mais vengé par le bras du Scipion français
Dont l'œil à Marengo commanda la victoire,
Et qui, par la victoire, a commandé la paix.