Hymne en l'honneur de la résurrection des États généraux

Auteur(s)

Année de composition

1789

Genre poétique

Description

Quatrains

Texte

Ô fils & filles, tour-à-tour
Réjouissez-vous dans ce jour !
À vos cris le Ciel n'est plus sourd.
Alléluia.

Par le coup du plus grand bonheur,
Perdant sa Place & sa faveur,
Calonne fuit comme un voleur.
Alléluia.

Brienne inepte à régir,
Lui qui s'empourpra pour rougir,
Loin de nous est allé mugir.
Alléluia.

Et ce turbulent Magistrat,
Qui, croyant perdre le sénat,
Perdit son nom & son état.
Alléluia.

Ici, la Justice aux abois,
Voyoit ses sénateurs sans voix,
D'un soldat recevoir des loix.
Alléluia.

Là, les Provinces en rumeur,
Rappelant leurs droits, leur vigueur ;
Faisoient éclater leur vigueur.
Alléluia.

L'État, dont ce triple fléau
Consuma les os & la peau,
sort aujourd'hui de son tombeau.
Alléluia.

Parmi le trouble & la fureur
Effet d'un Ministre oppresseur,
Necker parut comme un sauveur.
Alléluia.

Lorsque la nouvelle éclata,
Chacun la crut, la débita,
Hors le Tiers État qui douta.
Alléluia.

C'est moi, dit-il : n'ayez point peur ;
Touchez mes mains, touchez mon cœur :
Je renais pour votre bonheur.
Alléluia.

Le Tiers État doutoit encor ;
Mais en palpant, sans nul effort
Il s'écria, quel heureux sort !
Alléluia.

Heureux ceux qui sans avoir vu
Auront enfin constamment cru !
Le Ciel bénira leur vertu 
Alléluia.

À son aspect tout refleurit,
L'État retrouve son crédit,
L'espoir renaît, la crainte fuit.
Alléluia.

Ô détestables envieux,
Malgré vos cris injurieux,
Necker saura vous rendre heureux !
Alléluia.

Par ses soins chaque élection
Va restaurer la Nation
Qu'on tenoit sous l'oppression.
Alléluia.

Ô jour de gloire & de faveur
Jour où l'on dira par honneur,
À tout curé votre Grandeur !
Alléluia.

Assez & trop long-temps, hélas !
Nous fêtâmes, jolis Prélats,
Des vertus que vous n'avez pas.
Alléluia.

Ô France tu ne verras plus
Ces grands vicaires superflus,
Pour leur devoir toujours perclus.
Alléluia.

Paris purgé des prestolets,
N'aura plus ces petits collets,
De nos catins les bas valets.
Alléluia.

Chantez, chantez, pauvres plaideurs :
L'État, frappé de vos malheurs,
Va dissoudre les procureurs.
Alléluia.

Le Sénat n'écoutera plus
Tous ces plaidoyers superflus,
Mais bien les cliens morfondus,
Alléluia.

Et vous, militaires contrits
Reprenez gaiement vos esprits :
Vos cruciateurs sont proscrits.
Alléluia.

Guibert de Bourges vous dira
Que dans ce lieu l'on dénonça,
Ce qu'affreusement il osa.
Alléluia.

Mais son deuil aura peu coûté,
(Quoiqu'il soit rudement frappé) ;
Car chacun, dit-on, l'a drapé.
Alléluia.

Vive ce moment fortuné,
Où tout ainsi qu'un nouveau-né,
Le royaume est régénéré !
Alléluia.

Nouvelle terre, nouveaux cieux,
Maints financiers, humbles piteux,
se retrouveront sans ayeux.
Alléluia.

Le noble entiché de son nom,
Et sans humeur & sans façon,
Perdra son orgueil & son ton.
Alléluia.

Ce Primat gaulois dont l'esprit,
Dans un mandement se perdit,
Ira se cacher dans la nuit.
Alléluia.

Enfin l'homme patricien,
Fût-il académicien,
Rendra salut au plébéien.
Alléluia.

Sur Monsieur ou sur Monseigneur,
Permis à tout bon laboureur
D'équivoquer tout en douceur.
Alléluia.

Necker bien plus intelligent
Qu'aucun adepte, aucun agent,
Saura fixer le vif-argent.
Alléluia.

Le baromètre de la Cour,
Au beau décidé sans retour,
Ne variera plus chaque jour.
Alléluia.

À l'époque où l'on renaîtra,
Quand la France s'assemblera,
Demandez ce qu'il vous plaira 
Alléluia.

Si l'on juge comme au Palais,
L'épouse du premier benêt
Pourra trafiquer ses attraits.
Alléluia.

Et celui qui le défendra,
Malgré les raisons qu'il aura,
Dûment on le condamnera.
Alléluia.

Ô le beau jour, ô le bon temps !
S'écrieront alors les amans,
Sous l'œil des maris mécontens .
Alléluia.

Demandons plutôt aux États,
Qu'ils s'appliquent enfin, hélas !
À réformer les magistrats.
Alléluia.

Qu'ils accordent l'humilité
Aux auteurs dont la vanité
Révolte la société.
Alléluia.

Qu'ils donnent un air de vertu.
À nos femmes d'un nom connu,
Dont l'honneur est à fonds-perdu.
Alléluia.

Que pour punir Royou du bien
Qu'il dit de maint auteur vaurien,
Il soit académicien.
Alléluia.

Mais déjà les cours vont s'ouvrir,
Et dans le moment de s'unir,
Goûter le souverain plaisir.
Alléluia.

Viens, précieuse Liberté,
Sous les loix de l'égalité,
Rendre l'homme à l'humanité.
Alléluia.

À ta voix, les fers vont tomber,
Tous les despotes succomber,
Et l'univers te bénira.
Alléluia.

Dans les trois Ordres confondus,
Ayant pour guide les vertus
François réformons les abus.
Alléluia.

Mais ne crains rien, sexe charmant,
Toujours, même en te réformant,
On te chérira constamment.
Alléluia.

Si l'on raccourcit tes bonnets,
Si l'on change tes airs coquets,
C'est pour te donner plus d'attraits.
Alléluia.

Mais combien de livres nouveaux,
Du bien public charmans tableaux,
Naîtront aux États généraux !
Alléluia.

Le siècle d'or ressuscité,
À Louis sera présenté
Comme ouvrage de sa bonté.
Alléluia.

À son ministre on dédiera,
Un livre où tout François lira
Qu'il fit chanter l'alléluia.
Alléluia.