Honte de l'Angleterre (La)

Auteur(s)

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Sizains d'alexandrins avec un octosyllabe central

Paratexte

Texte

Unis par les forfaits et rivaux en audace
Les tirans avaient dit « le Soleil nous efface,
Mais que la Liberté naisse et meurre soudain ! »
Que pouvait cette ligue impure ?
Le tems ne peut changer le cours de la Nature :
Et des rois ont voulu commander au destin !

L'Éternel les entend, ses orgânes suprêmes
Ont répondu « tirans, vous tomberez vous-mêmes.
De quel droit osez-vous enchaîner les humains ?
La Liberté fut mon ouvrage :
Elle est de l'univers le public héritage ;
Respectez, en tombant, l'ouvrage de mes mains. »

Ces mots ont retenti jusqu'au sein de la France.
Déjà la mort d'un roi, signal de la vengeance,
Frappe, étonne et confond les despotes divers ;
Mais avant d'expier ensemble,
L'orgueil les réunit, la fureur les rassemble ;
Ils veulent dans leur chute entraîner l'univers.

La France est criminelle, et sa cause est publique,
Les rois veulent sauver leur pouvoir tirannique :
La guerre a déployé son appareil cruel ;
Et les prêtres, fléaux du monde,
D'accord avec les rois, quand le sang les inonde,
Invoquent les combats au nom de l'Éternel !

Ô champs de la Vendée ! Ô rives de la Loire !
Ô théâtres sanglants d'une juste victoire !
Vous qu'ils avaient choisis pour tombeau des Français,
La révolte vous abandonne,
Les Français ont vaincu, l'Europe s'est étonné ;
Et le trône et l'autel sont tombés pour jamais.

Quelle sombre vapeur, quel tourbillon rapide
S'élève tout à coup sur l'élément liquide ?
Les vents sont en fureur, le ciel s'arme d'éclairs,
Le jour fuit la Méditerranée :
Mais quelle est cette flotte errante, abandonnée ?
Les enfants d'Albion !… Oui, voilà ces pervers.

Ils ont fui la cité que l'on avait acquise,
Les héros opulents de l'obscure Tamise :
Lâches spoliateurs lâchement fugitifs,
Au feu ils cèdent leur conquête ;
Et chargés de forfaits, battus par la tempête,
Ils vont cacher au loin leurs pavillons craintifs.

Conquérant déserteur, peuple perfide et lâche,
C'est ainsi que des rois tu secondes la tâche !
Des rivaux de César où donc est la fierté ?
Que sont devenus tes ancêtres ?
Peuple dégénéré, garde tes nouveaux maîtres,
Sers ton roi, ton ministre, et fuis la Liberté !

Tu fus libre jadis, sois maintenant esclave.
Le Français à son tour te subjugue et te brave.
Ne l'as-tu pas vaincu dans les champs de Boston ?
C'était trop peu pour ton courage ;
Tu devais allier, sur un autre rivage,
La gloire de Dunkerque aux exploits de Toulon.

Qu'entends-je ! Quels accents ont frappé mon oreille
Est-ce du sein des morts un peuple qui s'éveille ?
Vengeance ! est le seul cri des mânes en couroux
Est-ce vous, victimes de Gêne ?
Ah ! D'un autre forfait vous réclamez la peine.
Tombez, Anglais, tombez ! Mânes appaisez-vous.

Périsse d'Albion la sanglante mémoire !
Que son nom réprouvé fasse horreur à l'Histoire !
Vents, soulevez les mers, liguez-vous, éléments,
Et de ses flottes vagabondes
Que les débris épars, promenés sur les ondes,
Soient d'un peuple assassin les derniers monuments.

Oui vous périrez tous, ennemis de la France !
Les tirans ont fui, la Liberté commence :
Le fanatisme expire, il n'aura plus d'autels ;
Et la Raison céleste et pure
Bientôt à l'Éternel, au nom de la Nautre,
Offrira pour encens le bonheur des mortels.

 
 

Sources

AN, F17 1009A.