Hymne des Versaillais

Auteur(s)

Année de composition

1793

Genre poétique

Description

Huitains en rimes plates

Texte

Musique de Giroust

Quels accents ! Quels transports ! Partout la gaîté brille.
La France est-elle donc une seule famille ?
Aux lieux même où les rois étalaient leur fierté
On célèbre la Liberté. (bis)
Est-ce une illusion ? Suis-je au siècle de Rhée
J'entends chanter partout d'une voix assurée :
Nous ne reconnaissons, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Enfants, guerriers, vieillards, épouses, filles, mères,
Le riche citadin, l'habitant des chaumières
Tous jurent réunis par la Fraternité
De mourir pour la Liberté. (bis)
En chassant les Tarquins, Brutus ne vit que Rome ;
Pour réformer le monde, instruits par ce grand homme,
Nous ne reconnaissons, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Quel spectacle enchanteur ! Au nom de la patrie
Tout s'anime, tout prend une nouvelle vie ;
Le vieillard semble encor par sa vivacité
Revivre pour la Liberté. (bis)
L'enfant, accusant la faiblesse de l'âge,
S'irrite d'être jeune et chante avec courage :
Nous ne reconnaissons, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Jadis d'un oppresseur l'injuste tyrannie
Assouvissait sur nous sa fureur impunie,
Et l'homme vertueux dans la captivité
Soupirait pour la Liberté. (bis)
Maintenant l'homme juste a brisé ses entraves :
Les Français indignés de s'être vus esclaves
Ne reconnaissent plus, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Peuples qui gémissez sous un joug tyrannique
Venez voir le Français, à sa fête civique
Comparez vos terreurs à la sérénité
Des enfants de la Liberté ! (bis)
Comparez à vos fers ces guirlandes légères
Que porte en s'embrassant tout un peuple de frères ;
Vous ne reconnaîtrez, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Voyez ces monumens d'un luxe asiatique ;
Ils attestent l'abus du pouvoir despotique ;
Voyez briller partout ce métal détesté,
Si funeste à la liberté.
Comparez tout ce faste à l'affreuse misère,
Que le pauvre opprimé souffre dans sa chaumière ;
Vous ne reconnaîtrez, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

De l'orgueil des tyrans le peuple était victime :
La vertu travaillait pour enrichir le crime.
Superbes ornemens, que vous avez coûté
Aux amis de la liberté !
Sur l'or de ces tapis, sur chaque broderie,
Je crois voir ruisseler le sang de ma patrie :
Oui, je ne reconnais, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Parfois, fuyant leur Cour, dans un riche ermitage,
Les rois cherchent la paix que l'on trouve au village ;
Esclaves des grandeurs, ils n'ont jamais goûté
Les douceurs de la liberté.
Rêveurs dans les plaisirs, et de remords victimes,
Ils cherchent, en secret, le bonheur dans les crimes.
Oui, je ne reconnais, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Périssent les tyrans ! Périsse leur mémoire !
Attachons à leur nom la flamme expiatoire ;
Brûlons ces titres vains de féodalité
En l'honneur de la liberté.
Prompt à nous imiter, que l'univers apprenne
Qu'enfin libres, heureux, sur les bords de la Seine,
Nous ne reconnaissons, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.

Aux mânes des défenseurs de la patrie :

Héros, qui conservez sur le sombre rivage,
La haine pour les rois, l'horreur pour l'esclavage,
Votre cœur est encor de plaisir transporté
Aux accens de la liberté.
Brutus et Scévola, et le sage d'Utique,
S'unissent avec vous pour chanter ce cantique :
Nous ne reconnaissons, en détestant les rois,
Que l'amour des vertus et l'empire des lois.