Autel de la patrie (L')
Auteur(s)
Paratexte
Chanté, lors de la première réquisition, sur le théâtre national
Texte
Eh ! Quoi ! Tu peux dormir encore !
N'entends-tu pas ces cris d'amour ?
Éveille-toi, voici l'aurore ;
Mon fils, voici ton plus beau jour.
C'est à l'autel de la patrie,
Que tu vas marcher sur mes pas ;
Cours à cette mère attendrie
Qui t'appelle, et t'ouvre les bras.
Mon fils, vois-tu ce peuple immense ?
Comme il accourt de toutes parts !
De ces guerriers, chers à la France,
Vois-tu flotter les étendards ?
C'est à l'autel de la patrie
Que l'amour dirige leurs pas ;
Tous vont à leur mère chérie
Se dévouer jusqu'au trépas.
Dans tes regards brille une flamme
Qui plaît à mon cœur paternel ;
Ouvre les yeux, fixe ton âme
Sur ce spectacle solennel.
C'est à l'autel de la patrie
Qu'il faut consacrer tes quinze ans
Et c'est là que l'honneur te crie
D'apporter tes premiers serments.
Tu l'as fait ce serment auguste,
Devant la France et devant moi ;
Tu serviras, vaillant et juste,
Ton pays, nos droits et la loi.
C'est à l'autel de la patrie
Que tu viens de le prononcer ;
Plutôt cent fois perdre la vie
Que de jamais y renoncer !
Il est d'autres serments encore
Qu'exigent ton père et l'honneur ;
Un dieu puissant, que tout adore,
Va bientôt appeler ton cœur :
Mais, sur l'autel de la patrie,
À la beauté jure en ce jour
Que jamais sa vertu flétrie
Ne gémira de ton amour.
Si d'une belle, honnête et sage
Tu sais un jour te faite aimer,
Le nœud sacré du mariage
Est le seul que tu dois former :
Mais à l'autel de la patrie
Courez tous les deux vous unir :
Que jamais votre foi trahie
N'ordonne au ciel de vous punir.
Dans cette chaîne fortunée,
Si tu deviens père à ton tour,
Pour premier don, si l'hyménée
Accorde un fils à ton amour,
Offre à l'autel de la patrie
Ce fruit heureux de ton lien :
Dans ton cœur, c'est elle qui crie
Qu'il est son fils comme le tien.
Tu vois ce fer d'un œil d'envie :
Il doit un jour armer tes mains ;
De lui souvent dépend la vie
Ou la mort des faibles humains,
C'est à l'autel de la patrie
Qu'il faut le suspendre aujourd'hui ;
N'y touche pas qu'elle ne crie :
« Prends ce fer, j'ai besoin de lui. »
Quand le temps, qui marche en silence,
Par d'imperceptibles efforts,
Aura miné mon existence
Et décomposé ses ressorts,
C'est sous l'autel de la patrie
Que tu creuseras mon tombeau :
Est-ce perdre en entier la vie,
Que de rentrer dans son berceau ?