Ode sur la paix de Campo-Formio
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Texte
Bellone a fui pâle et sanglante ;
Français, vos droits sont reconnus !
Et la liberté triomphante
Ferme le temple de Janus.
Du haut des voûtes azurées,
La paix descend sur nos contrées,
Le front de roses couronné ;
Et dans leurs foyers solitaires,
Les sœurs, les épouses, les mères
Bénissent ce jour fortuné.
Que la haine au front inflexible
Se laisse à la fin désarmer !
Le Ciel nous fit un cœur sensible ;
Mortels nous devons nous aimer.
Tombe la nation cruelle,
Qui prenant Rome pour modèle,
Voudrait conquérir l'univers !
Rougissant au seul nom de maître,
L'homme libre et digne de l'être,
S'avilit en donnant des fers.
Quel est le brigand fanatique,
Qui de Mars vantant les fureurs,
Au sein de l'ivresse publique
Pousse d'insolentes clameurs ?
Il regrette le bruit des armes ;
Il lui faut du sang et des larmes :
Le barbare en est altéré !
Quand tout sourit dans la Nature,
De même en sa caverne obscure,
Siffle le reptile abhorré.
Guerriers, dont la noble vaillance
Arrêta l'Europe en fureur,
Des mains de la reconnaissance
Recevez le prix de l'honneur.
En vain l'anarchie égarée,
De cannibales entourée,
Rêve encor de nouveaux forfaits :
Venez, phalanges intrépides ;
Je vous dénonce les perfides
Altérés du sang des Français.
Jours horribles de la vengeance,
Fuyez pour ne plus revenir :
De la loi le règne s'avance ;
Celui des partis va finir.
Abandonnons aux Euménides
Tous ces infâmes homicides
Que réclamaient les échafauds ;
Laissons, sous le fouet des furies,
S'agiter ces âmes impies,
Ces vils partisans des bourreaux.
Dociles à la voix du sage,
Chassons les plaisirs corrupteurs :
La liberté sera l'ouvrage
De ceux qui nous rendront les mœurs.
J'en crois un augure propice :
La tolérance, la justice,
N'auront plus d'exil à souffrir ;
Douce paix ! Sous ta loi chérie,
Des beaux-arts la tige flétrie
Plus brillante va refleurir.
Ils vont renaître pour la France
Les jours de gloire et de grandeur !
La paix ramène l'espérance,
Et l'espérance, le bonheur.
Revenez, vertus domestiques !
C'est par vous que les républiques
Marchent à l'immortalité.
Le despotisme en vain murmure :
L'instinct sacré de la Nature
Fera chérir la liberté.