Ode sur la bataille d'Héliopolis et la reprise du Kaire

Année de composition

1800

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes en rimes croisées

Mots-clés

Paratexte

Texte

Quel est cet orgueilleux langage ?
L'Anglais ne parle qu'en vainqueur,
Et ne nous offre pour partage,
Que les fers et le déshonneur ?
Quand l'humanité, la sagesse,
Ont éteint la foudre en nos mains ;
Quand nous comptons sur sa promesse,
Il foule les droits les plus saints.

Aux armes !… Vengeons cet outrage.
Mais déjà ce cris répété
A fait retentir ce rivage ;
Déjà d'un pas précipité,
Kléber, favori de la gloire,
Marche suivi de ses guerriers,
Et, sous l'aile de la victoire,
Leur promet de nouveaux lauriers.

Le fier Ottoman qui l'appelle,
A déployé ses étendards,
Et de sa fortune rebelle,
Ose encor tenter les hasards.
Après une triple défaire,
Il croit que le bras d'un visir,
D'une vengeance satisfaite,
Lui fera goûter le plaisir.

Orgueil insensé ! Vaine attente !
Il voit s'avancer ces Français,
Ces précurseurs de l'épouvante,
Qui n'ont connu que les succès.
L'airain qui gronde, du carnage
A donné le signal affreux,
Et répandu sur cette plage,
L'horreur d'un voile ténébreux.

Le plomb vole, et l'ardeur guerrière
Se distingue de toutes parts ;
Mais une audace meurtrière
Va bientôt fixer les hasards :
Kléber parle, un choc intrépide
Disperse les rangs entr'ouverts,
Et l'Ottoman que la peur guide,
S'ensevelit dans ses déserts.

Mais quelles voix séditieuses
Déjà rappellent sur leur pas
Ces phalanges victorieuses,
Et les provoquent aux combats.
Malheureux habitans du Kaire,
Vous vous levers pour vos tyrans,
Contre ces enfans de la guerre
Jusqu'ici pour vous bienfaisans.

Tremblez, redouter la vengeance
De vos indomptables rivaux
Qui vous présentent la clémence.
Vous la refusez ?… Que de maux,
Ô ciel ! vont tomber sur vos têtes !
Je vois mille toits renversés,
Je vois éclater les tempêtes
Sur les décombres embrasés.

Tout change… à l'horreur de la guerre
Succèdent des accens plus doux ;
Kléber écoute la prière
Des vaincus qui sont à genoux,
Et sa valeur victorieuse
Vient montrer à ses ennemis,
Qu'elle sait être généreuse
Envers tous ceux qu'elle a soumis.

Si des malheurs sur cette rive
Sont nés de ces sanglants débats
Du moins l'humanité plaintive
Ne nous les imputera pas.
C'est l'ouvrage de l'Angleterre
Opposant à des loyautés
La politique mensongère,
Et le mépris de ses traités.

 
 

Sources

Courier de l'Égypte, n° 68, 27 floréal an VIII, p. 2-3.