Vers récités à la fête donnée par le ministre des Relations Extérieures, au comte et à la comtesse de Livourne

Auteur(s)

Année de composition

1801

Genre poétique

Description

Mots-clés

Musique

Paratexte

Texte

Du haut des Apennins, dont ses tributs heureux
Fécondent la pente fleurie,
L'Arno voyait couler ses flots impétueux,
Et, penché mollement sur son urne chérie,
Contemplait, d'un œil amoureux,
Les campagnes de l'Étrurie.
Ses nymphes, près de lui, le front ceint de roseaux,
Tantôt des Médicis étalant les images,
Tantôt de Léopold retraçant les travaux,
Lui rappelaient, dans ces tableaux,
Les bienfaiteurs de ses rivages.
« Eh quoi ! disait le dieu, faut-il qu'un souvenir
Soit l'unique trésor qui reste à ma faiblesse !
Suis-je, au gré du destin, qui trahit sa promesse,
Déshérité dans l'avenir ?
Si j'en crois une voix, qui, du sein des tempêtes,
Rend l'espérance à tous les cœurs,
La victoire à la paix va céder ses conquêtes ;
Me rendra-t-elle mes honneurs ? »
Tout à coup un cri belliqueux
Sur le sommet des monts, autour du dieu résonne ;
Et portant dans ses mains un sceptre, une couronne,
La victoire s'offre à ses yeux.
Mais son front a perdu sa colère inhumaine ;
Ses traits sont adoucis pour la première fois.
« J'ai cru, lui dit l'Arno, qu'aux rives de la Seine
Du héros des Français vous attendiez les lois :
Des Alpes jusqu'au Nil, suivant partout sa trace,
Vous ne quittiez pas ses drapeaux ;
A-t-il enfin fatigué votre audace,
Et vous a-t-il permis de chercher le repos ?
– Celui dont vous parlez, lui répond la victoire,
A deviné vos vœux ; vos vœux sont satisfaits :
Il occupa l'univers de sa gloire,
Il le remplit de ses bienfaits.
Mais son plus doux présent vient des rives du Tage ;
Un prince en est parti pour vos heureux climats ;
La générosité, l'honneur et le courage,
Ces vertus de l'Espagne ont volé sur ses pas.
Les Médicis, dont la noble mémoire
Appelle sur vos bords le voyageur surpris,
À protéger les arts avaient borné leur gloire ;
Il sait en disputer le prix :
Il cultive avec eux la science féconde
Qu'apprirent aux mortels Hermès et Lavoisier,
Et qui, décomposant les éléments du monde,
À trois sceptres rivaux le soumet tout entier.
Florence, par ses soins, remplit la destinée
Que le Ciel lui promit aux jours de sa faveur ;
Et Livourne, fermée à l'Anglais oppresseur,
Repousse ses vaisseaux sur l'onde mutinée.
C'est peu de la venger, j'agrandis ses destins :
Désormais le commerce et le dieu des batailles
Fixeront, sur les flots qui baignent ses murailles,
La grandeur des États et le sort des humains. »

La déesse, à ces mots, loin du fleuve tranquille,
Dans les airs épurés, s'élevant à ses yeux,
Trace en lettres de feu le nom de Lunéville,
Et se perd dans les cieux.

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an X de la République française, ou Choix des poésies fugitives de 1801, Paris, Louis, an X, p. 179-181.