Rétablissement du culte (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1802

Genre poétique

Description

Alexandrins en rimes plates

Mots-clés

Paratexte

Texte

Nos grandeurs, nos revers ne sont point notre ouvrage,
Dieu seul mène à son gré notre aveugle courage.
Sans honte succombez, triomphez sans orgueil,
Vous mortels qu'il plaça sur un pompeux écueil.
Des hommes étaient nés pour le trône du monde,
Huit siècles l'assuraient à leur race féconde :
Dieu dit ; soudain aux yeux de cent peuples surpris
Et ce trône et ces rois confondent leurs débris.
Les uns sont égorgés, les autres en partage
Portent au lieu de sceptre un bâton de voyage,
Exilés et contraints, sous le poids des rebuts,
D'errer dans l'univers qui ne les connaît plus.

Spectateur ignoré de ce désastre immense,
Un homme enfin, sortant de l'ombre et de l'enfance,
Paraît. Toute la terre, à ses coups éclatants,
Croit dès le premier jour l'avoir connu longtemps.
Il combat, il subjugue, il renverse, il élève ;
Tout ce qu'il veut de grand, sa fortune l'achève.
Nous voyons, lorsqu'à peine on connaît ses desseins,
Les peuples étonnés tomber entre ses mains.
Alors son bras puissant, apaisant la victoire,
Soutient le monde entier qu‘ébranlait tant de gloire.
Le Très-Haut l'ordonnait. Où sont les vains mortels
Qui s'opposaient au cours des arrêts éternels ?
Faibles enfants qu'un char écrasa sur la pierre,
Voilà leurs corps sanglants restés dans la poussière.

Au milieu des tombeaux, qu'environnait la nuit,
Ainsi je méditais par leur silence instruit.
Les fils viennent ici se réunir aux pères
Qu'ils n'y retrouvent plus, qu'ils y portaient naguères,
Disais-je, quand l'éclat des premiers feux du jour
Vint du chant des oiseaux ranimer ce séjour.
Le soleil voit, du haut des voûtes éternelles,
Passer dans les palais des familles nouvelles ;
Familles et palais, il verra tout périr !
Il a vu mourir tout, tout renaître et mourir,
Vu des hommes produits de la cendre des hommes,
Et, lugubre flambeau du sépulcre où nous sommes,
Lui-même, à ce long deuil, fatigué d'avoir lui,
S'éteindra devant Dieu, comme nous devant lui.

 
 

Sources



BÉRANGER, Œuvres complètes, Paris, Perrotin, 1847, tome 2, p. 396-397.