Hymne à l'Être suprême

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Huitains en rimes plates

Texte

Cet astre qui parcourt une immense carrière,
Ces tapis de verdure et ces flots de lumière,
Enfin le monde entier, à toute heure, en tout lieu,
Reconnaît et proclame un Dieu.
Tout d'un Être suprême atteste la puissance.
Plein de joie, et d'amour, et de reconnaissance,
Tout dit en son langage : « Honneur au Dieu du ciel !
Bénissons notre père, adorons l'Éternel. »

Mais dans ce beau concert de toute la Nature,
L'homme élève sa voix, heureuse créature.
Doué d'un digne accent, animé d'un beau feu,
L'homme sent qu'il existe un Dieu.
Comme il a plus reçu, l'homme doit davantage,
Faible retour des dons qu'il obtint en partage ;
Qu'il répète du moins : « Honneur au Dieu du ciel !
Bénissons notre père, adorons l'Éternel. »

Malheur à l'insensé qui se fit un système
De paraître ignorer son créateur suprême !…
Il mentit en faisant un aussi lâche aveu.
Demander s'il existe un Dieu !…
Un tel doute est affreux : mais il est impossible.
Ah ! l'homme a-t-il pu naître intelligent, sensible,
Et ne pas s'écrier : « Honneur au Dieu du ciel !
Bénissons notre père, adorons l'Éternel. »

Rendons-lui désormais un simple et pur hommage.
Ne défigurons point son immortelle image ;
Et ne nous faisons plus un fol et cruel jeu
De profaner le nom d'un Dieu.
Préservés à la fois par le patriotisme,
Du fanatisme atroce et du froid athéisme,
Chantons d'une voix libre : « Honneur au Dieu du ciel !
Bénissons notre père, adorons l'Éternel. »

C'est peu de l'honorer par un tribut stérile.
Tout l'encens des humains, à sa gloire inutile,
S'il ne part d'un cœur pur, le touchera bien peu ;
Que nos vertus prouvent un Dieu.
Tu les renfermes seul, amour de la patrie !
Dans le fond de nos cœurs ta voix forte nous crie :
« Le seul trône est là-haut : honneur au Dieu du ciel !
Bénissons notre père, adorons l'Éternel. »

Mais surtout aimons-nous comme un peuple de frères.
Plus de sectes, de lois l'une à l'autre contraires.
N'ayons qu'un même esprit, et ne formons qu'un vœu :
Soyons tous unis devant Dieu.
Et que l'Être suprême avec plaisir contemple
La France, qu'il chérit, devenue un beau temple,
Où d'une voix on chante : « Honneur au Dieu du ciel !
Bénissons notre père, adorons l'Éternel. »

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an III de la République, ou Choix des poésies fugitives de 1794, Paris, Louis, an III, p. 125-126.