Égalité (L')

Auteur(s)

Année de composition

1792

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes

Paratexte

Ode sur les événemens du 10 août 1792, offerte le 7 septembre de la même année, à l'Assemblée nationale, qui en a ordonné mention honorable au procès-verbal

Texte

Lyre de Pindare et d'Alcée,
Toi qui, secondant leurs transports,
Au feu divin de leur pensée
Mêlas tes sublimes accords,
Ô lyre ! Viens à mon génie
Marier ta mâle harmonie !
Flamme céleste ! Ô Liberté !
Embrase-moi ! Ma voix s'apprête
À chanter l'heureuse conquête
De notre sainte Égalité !

Égalité ! Bienfait suprême
Dont nous allons enfin jouir !
Égalité ! Qu'à ce nom même
Je sens mon cœur s'épanouir !
Par les préjugés exilée
De cette terre désolée,
Qu'elle a réclamé ce beau jour,
Où les charmes de son empire,
Où les doux penchants qu'elle inspire,
Des Français lui rendraient l'amour !

La France est libre ; elle veut l'être :
En vain des tyrans conjurés
Voudraient lui redonner un maître !
Non, tyrans, non... Vous échouerez !
Malgré la foudre et les tempêtes
Qui s’amoncellent sur nos têtes,
Nous braverons encor vos coups :
Du dix août la noble mémoire,
Est le garant de la victoire
Que nous remporterons sur vous.

Déjà désignant ses victimes,
Trop fier de son impunité,
Le despotisme, par ses crimes,
Épouvantait cette cité ;
Déjà sa détestable rage
Avait fatigué le courage
Du soldat, qu'il croit épuisé…
Il triomphe !… Paris se lève,
Et de sa masse qu'il soulève,
Le despotisme est renversé.

Voyez-vous marcher les cohortes
Du Finistère et du Midi ?
Entendez-vous tomber les portes
D'où le trait de mort est parti ?
Tout a fui : l'horrible repaire
Où dès longtemps siégeait la guerre,
En solitude s'est changé :
Le fer a semé le carnage,
L'airain promène le ravage ;
Le sang du peuple est trop vengé !

Suspends le cours de ta colère
Peuple ! Sois grand, sois généreux :
De la loi le glaive sévère
Doit punir tes complots affreux.
Investis de ta confiance
Les organes de ta puissance ;
Eh ! Ne sont-ils pas tes élus ?
C'est par eux que la loi prononce :
Peuple, respecte sa réponse ;
Ses oracles sont absolus.

Bientôt une auguste assemblée,
Dépositaire de nos droits,
Viendra, par la France appelée,
Nous délivrer du mal des rois.
Ainsi, jusqu'aux bords du Scamandre,
Les remparts d'Ilion en cendre,
Expiaient un crime odieux,
On vit le maître du tonnerre,
Sur le destin de cette guerre
Au ciel interroger les dieux.

Mais d'où vient que mon cœur frissonne ?
Le tocsin a troublé les airs :
Marchons, soldats ; la charge sonne,
Attendrons-nous ici des fers ?
Ah ! Faisons mordre la poussière
À cette borde meurtrière,
À cette meute de tyrans,
Qui, du Danube et de la Sprée,
Vient dévorer cette contrée,
Au nom de deux ou trois brigands !

Ô vous, pères de la patrie !
Vous, nos dignes législateurs,
Dont le zèle se multiplie
Avec nos dangers, nos malheurs ;
Vous parlez… Du sein de la terre,
S'élève, pour sauver leur mère,
Une phalange de héros.
Citoyens, volez à la gloire !
Ne rentrez qu'avec la victoire ;
Mais jusque-là plus de repos.

Le succès passe mon attente !
Tout fuit ou tombe exterminé,
François et sa ligue insolente,
Brunswick et son illuminé !
Triomphe insigne ! Ô ma patrie !
Garde la mémoire chérie,
Des martyrs de la liberté !
Je vois enfin régner en France
Les lois, l'union, l'abondance,
Fruits heureux de l'Égalité.