Amitié républicaine (L')
Auteur(s)
Mots-clés
Musique
Paratexte
Vaudeville républicain chanté à la section des Tuileries, le décadi 10 pluviôse
Texte
Air : La comédie est un miroir
Des habitants du Paradis
Quand on parcourt la kyrielle,
De deux véritables amis
On y trouve à peine un modèle ;
Mais sans les auspices des saints,
L'amitié fête une décade :
Nous pouvons, en républicains,
Invoquer Oreste et Pilade.
Recevez d'un commun accord
Les vœux que, dans son allégresse,
Si longtemps après votre mort,
Le Français libre vous adresse.
Enflammez-nous, divins patrons,
D'un sentiment tel que le vôtre :
L'un pour l'autre quand nous vivrons,
Nous saurons mourir l'un pour l'autre.
L'amitié partage à dessein
Et les plaisirs et les alarmes ;
Si l'on rit, elle rit soudain ;
Si l'on pleure, elle fond en larmes.
Des tyrans elle fuit les cours ;
Chez le sage on la voit sans cesse ;
Au riche elle échappe toujours,
Et du pauvre elle est la richesse.
Ainsi qu'avant l'astre du four
Vous voyez l'aurore paraître,
L'amitié devançant l'amour,
Chez les enfants se plaît à naître ;
L'amitié remplaçant l'amour,
Rend aux vieillards un calme utile ;
Comme à la chaleur d'un beau jour
Succède un soir frais et tranquille.
Citoyens, bons et généreux,
Que deux à deux l'amitié lie,
Venez en resserrer les nœuds
Devant l'autel de la patrie ;
Et pour vous moquer, en chemin,
Des pamphlets de la pâle envie,
Sans vous quitter jamais la main,
Traversez doucement la vie.
Entre les cœurs de deux amis,
Ô toi qui sus glisser la haine,
Songe à l'athlète qui jadis
De ses mains croyait fendre un chêne ;
L'un de l'autre par tes efforts,
Bien que ces deux amis s'éloignent,
Tu mourras pressé de remords,
Si quelque jour ils se rejoignent.
Quand, sous le nom de l'amitié,
Régnait une douceur traîtresse,
Du monde on sait que la moitié
Trompait l'autre avec politesse :
Mais par des airs qui font pitié,
Nul fat aujourd'hui n'en impose,
Et sous le nom de l'amitié,
Le républicain veut la chose.
Plus de châteaux, plus de palais,
D'un vain luxe, asiles funestes.
Républicains, à peu de frais,
Élevons-nous des toits modestes ;
Mais sur le seuil de nos logis,
Disons, comme un sage d'Athènes :
Plût au Ciel que de vrais amis
Nos maisonnettes fussent pleines !