Au Citoyen Lebrun, sur les vers qu'il a adressés aux Belles qui veulent devenir poètes
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Paratexte
Texte
Sublime héritier de la lyre
Abjure ta rigueur contre un sexe adoré ;
Permets qu'épris du Pinde il suive le délire
Qu'il t'a si souvent inspiré.
Pourquoi donc de l'amour craindroit-il la disgrâce ?
L'amour de la beauté n'est jamais le censeur ;
Et le luth d'Apollon dans les mains d'une Grâce,
Doit résonner encore avec plus de douceur.
Il est vrai que ce sexe aux rives d'Aonie,
Ne pourroit de ta lyre égalant l'harmonie,
Par une image neuve, un mot audacieux,
De la langue étonnée agrandir le génie,
Et peindre la Nature en vers majestueux ;
Des travaux imposans il trompe l'énergie :
Mais la douce romance et la tendre élégie,
Il sait bien les saisir, et faire tour à tour
Parler en vers charmans et la Grâce et l'Amour.
Vois Sapho : par Phaon trahie,
Elle rendit son art confident de ses pleurs,
Et mérita la gloire en chantant ses malheurs.
Le siècle de Corneille a vanté Deshoulière ;
Et Verdier, Dufrénoy, D'Antremont et Beaufort,
Dans nos jours, d'un heureux effort,
Ont du docte Hélicon atteint la cime altière.
Leur chant du dieu des arts embellit les concerts.
Peux-tu, quand tu les lis, leur défendre les vers ?
L'Autan impétueux qui, sur l'humide empire,
Fait retentir au loin son imposante voix,
Laisse soupirer le zéphyre
Sous l'ombre mobile des bois ;
Et des monts grand bruit le torrent roule et gronde,
Sans empêcher que le ruisseau
Charme la pente d'un coteau
Du doux murmure de son onde.
Les belles, faites pour charmer,
Par tous les moyens de séduire,
Ont droit d'assurer leur empire.
On se plaît à les lire autant qu'à les aimer :
Non, il n'est pas une victoire
Dont ces objets chéris ne méritent l'honneur.
Nous leur devons l'amour l'espoir et le bonheur ;
Sachons leur pardonner le talent et la gloire.