Au Directoire exécutif

Auteur(s)

Année de composition

1795

Genre poétique

Description

Mots-clés

Paratexte

Texte

Lancés dans la même carrière,
Un même char nous a portés : 
On nous a vu sous la même bannière,
Au second rang, combattre à vos côtés.
Travaux, périls, adversités,
Tous nous était commun naguère ;
Si vous aviez la part première,
Le second lot (je dis lot de misère)
Avait pour nous bien des aspérités.
Aujourd'hui donc par quel destin contraire
Si loin de vous sommes-nous arrêtés ?
À nos regards s'offre ce beau rivage,
Cet heureux port promis après l'orage…
Mais nos vaisseaux, loin des vôtres jettés,
Flottent encor incertains, agités,
Sans gouvernail, sans guide, sans étoiles.
Un vent plus doux a soufflé dans vos voiles ;
Et dans le port arrivés les premiers,
Vous avez vu la publique allégresse
Offrir en vous à la sagesse,
Et des autels et des lauriers.
De vos talens, de vos efforts sublimes,
Tel est enfin le juste prix ;
Mais les dieux qui vous ont choisis,
En nous laissant errer sur les abymes,
Privés des biens qu'ils nous avaient promis,
Dans une disgrâce commune,
Ne nous auraient-ils donc admis,
Que pour partager l'infortune
De leurs illustres favoris ?
Non, non, dans vos mains tutélaires.
S'ils ont placé tous leurs bienfaits,
S'ils vous en ont rendus dépositaires,
C'est pour vous laisser désormais
Le soin de secourir vos frères ;
Et c'est ainsi, peut-être que par vous,
Ils doivent maintenant sur nous,
Verser leurs faveurs les plus chères.
Si tels sont nos heureux destins,
Ah ! Pourquoi, loin de vos rivages,
Nous laissez-vous, exposés aux naufrages,
Errer si long-tems incertains !
Au gré des vents, au milieu des orages ;
Sur ce vaisseau que couvre un heureux port
Et que vos mains ont su défendre,
Nous n'avons point de place à prendre ;
Et loin d'envier votre sort,
Nous n'aspirons tous qu'à nous rendre
Dans la chaloupe de son bord.