Aux émigrés
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Paratexte
Imitation de l'Ode d'Horace Quo quo, scelesti, ruitis ?
Texte
Où courez-vous, cruels ? Quelle coupable audace
Vous transporte armés sur le Rhin ?
Et quel peuple ennemi doit craindre la menace
De votre appareil assassin ?
Allez-vous délivrer les légions belgiques
De leurs fers trop appesantis,
Ou du Tibre écraser les idoles antiques
Qui foulent les peuples soumis ?
Non, vous voulez servir la ligue conjurée
De vingt despotes en courroux,
Et montrer à leurs yeux la France déchirée,
La France expirant sous vos coups.
Quatre fois le soleil aborda les tropiques,
Depuis le temps qu'elle gémit
Sous le pesant fardeau des misères publiques
Que vos discordes ont produit.
Les deux mondes ont vu le flambeau des furies
Consumer ses riches trésors,
Et l'Anglais se repaît de douces rêveries
En voyant vos nouveaux efforts.
Le Germain assouvit ses haines immortelles
En vous accordant ses secours ;
Les habitants des airs, pour finir leurs querelles,
Vont-ils implorer les vautours ?
Si vos maux sont réels, vos devoirs sont sévères ;
L'impérieux Coriolan,
D'un courroux, qui de Rome eut comblé les misères,
Sut vaincre le dernier élan.
Les Romains, sous Sylla, tous bourreaux ou victimes,
Glacèrent l'univers d'effroi ;
Leurs yeux ne virent plus que du sang et des crimes :
Subirions-nous la même loi ?
Du lion qui rugit sous la zone torride
Surpasserez-vous la fureur ?
De la chair des lions, que ce même instinct guide,
Sa faim cruelle aurait horreur.
Quel instinct plus barbare aujourd'hui vous domine ?
Expiez-vous quelque forfait ?
Ou le sort, malgré vous, hâte-t-il la ruine
Dont vous ressentirez l'effet ?
Ils ne répondent point : leurs visages pâlissent ;
Leurs cœurs sont devenus d'airain.
Les partis opposés s'ébranlent, s'affermissent ;
Je vois s'accomplir leur destin.
Crime de nos aïeux ! Meurtre impie et barbare
D'un roi qui n'eut point de rivaux !
La vengeance du ciel lentement se prépare :
Sa main lance enfin ses carreaux.