Aux mânes de J.-J. Rousseau

Auteur(s)

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes

Paratexte

Texte

Air : Vaudeville des Visitandines

Grand homme, que le France honore,
Profond & vertueux Rousseau
Entends, du peuple qui t'adore,
La voix descendre à ton tombeau. (bis)
Si, pendant le cours de ta vie,
Tu fus par les tyrans proscrit,
Le Français libre te chérit,
Tu lui créas une patrie. (bis)

Quand des droits de l'être qui pense,
Tu scrutais la sublimité,
Les despotes, pour récompense,
Te vouaient à l'iniquité. (bis)
Effet de leur ignominie,
Ton nom leur semblait odieux ;
Ils t'eussent mis au rang des dieux,
S'ils eussent aimé leur patrie. (bis)

En vain les immortels ouvrages,
Produits par ton esprit divin,
Auraient dissipé les nuages
Dont se couvrait l'esprit humain. (bis)
Dans un siècle de barbarie,
Tu vécus inutilement ;
Tes contempteurs sûrement,
Ne connaissaient pas de patrie. (bis)

Mais, plus éclairés que nos pères,
Dont nous blâmons l'aveuglement,
Tes écrits d'un peuple de frères,
Ont resserré l'attachement. (bis)
Grâce à la philanthropie,
Les noirs, les blancs, les Esquimaux,
Chez nous retrouvent des égaux,
En retrouvant une patrie. (bis)

Amis des peuples de la terre,
Nous ne haïssons que les rois,
Qui, sous l'un & l'autre hémisphère,
Dictent de plébicides lois. (bis)
Puisse à l'aide de ton génie,
Rousseau, les hommes moins cruels,
T'élever de communs autels,
Dans une commune patrie. (bis)

Mais, en attendant ce prodige,
Qui doit embellir nos destins,
Il ne nous faut plus de prestige
Pour être heureux, pour être humains. (bis)
L'égalité, la sympathie,
Chez nous ont signalé leurs droits ;
La vertu, les mœurs font nos lois,
Rousseau nous donne une patrie. (bis)

Toi qui du temple de Mémoire,
Remplis les fastes lumineux,
Pourquoi faut-il qu'à notre gloire
Tu manques, homme vertueux ? (bis)
Puisses-tu renaître à la vie,
Idole du peuple français !
Tu ne verrais plus de sujets,
Et tu verrais une patrie. (bis)