Aux pyramides d'Égypte
Texte
Pyramides, vous qui, des temps
Après avoir franchi l'espace,
Portez des injures des ans
À peine la plus faible trace ;
Ô vous ! Dont l'univers fixa toujours la place
Parmi ses premiers monumens,
Au temps devez-vous l'existence ?
Êtes-vous l'œuvre des humains ?
Ou les dieux ont-ils, de leurs mains,
Élevé votre masse immense ?
Des rois, dit-on, la vanité
A fait construire votre enceinte :
Ils voulaient de la majesté
Que leur tombeau portât l'empreinte ;
Ils voulaient, de l'oubli bravant ainsi l'atteinte,
Régner sur la postérité.
Ô comble de la vaine gloire !
De ces rois, malgré leurs efforts,
Dans l'abîme profond des morts,
Comme eux s'engloutit la mémoire.
L'homme puissant, rempli d'orgueil,
Veut un tombeau pompeux et vaste.
L'homme juste, sur son cercueil,
A des larmes et point de faste.
Qui n'aimerait bien mieux, en ce frappant contraste,
Laisser tous les cœurs dans le deuil ?
Du puissant qui s'est trop fait craindre,
Le souvenir est odieux :
Mais le juste a fait des heureux ;
Sa mémoire ne peut s'éteindre.
Si jusqu'ici le voyageur
En vous admira des prodiges ;
Si son œil du temps destructeur
Ne put découvrir les vestiges,
De tels honneurs pour vous étaient de vains prestiges,
Des simulacres de splendeur.
Une gloire bien plus réelle
Vous est acquise désormais ;
Elle est une au nom français,
Elle ne peut qu'être immortelle.
Lorsque les bataillons français,
Que rien n'intimide et ne lasse,
Sont venus, par de nouveaux faits,
Signaler ici leur audace,
Vous fûtes, sur le sol qu'opprime votre masse,
Témoins de leurs premiers succès.
Par l'Histoire, quand, d'âge en âge,
Tous leurs travaux seront transmis,
À tant de surprenans récits
Unissez votre témoignage.
Mais surtout attestez, hélas !
Les regrets, la douleur amère,
Qu'en nous a gravé le trépas
D'un chef juste, d'un tendre père ;
Attestez les vertus, qu'au milieu de la guerre,
Kléber montra dans ces climats ;
À l'avenir faites connaître
« Qu'il fut constamment animé
Du plus vif désir d'être aimé,
Qu'il mérita toujours de l'être. »