Cents-trente trompettes sonnant l'Être suprême (Les)
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Texte
À l'Être suprême
Ô toi, qui du néant, fit la machine ronde,
Que l'on nomme univers ; et qui forme le monde :
Qu'elle est donc ta puissance ? Et qu'elle est ta grandeur ?
Me dis-je en m'éveillant, interrogeant mon cœur !
La Lune, le Soleil, la moindre étoille même,
La Terre, et les mers, t'annoncent ; Être suprême !
N'y auroit-il que l'homme insensible et ingrat,
Qui de tes mains formé, ne te reconnut pas ?
L'ordre par toi prescrit à toute la Nature,
Fut toujours observé par chaque créature ;
L'homme seul perverti, en ce bas univers,
Méprisant tes décrets mit l'homme dans les fers :
Et devenu captif, il perdit l'innocence ;
Et oublia d'abord toute son excellence :
Son illustre origine, et toute sa Raison,
Soixante siècle sont retenus en prison ;
Que de crimes alors souillent toute la terre,
Commis par des brigands ne respirant que guerre ;
La flamme et le fer qu'ils portent en tous lieux,
Détruisent les moissons de nos anciens ayeux ;
Et par là devenus ce que l'on nomme princes,
Se sont seigneurisés dans toutes les provinces.
Voilà, voilà comment tous ces rois orgeuilleux,
Ont rendus jusqu'icy les peuple malheureux ;
Et se disant égaux à toi, Être suprême !
Ils ceignirent leurs fronts d'un triple diadème !
Les peuples avilis, perdant l'Égalité ;
Les décorent des noms d'Auguste et Majesté :
Et pliant sous le joug leurs épaules esclaves,
Mettent à leur Liberté toutes sortes d'entrave.
Ainsi, se voyant craint, ces brigands couronnés,
Épanchèrent le sang comme des forcenés :
Et pour ne perdre pas ce qu'ils nomment conquêtes,
Leurs épées en leurs mains étoient en tous temps prêtes ;
Le pauvre laboureur à peine recueilloit,
La moindre portion de ce qu'il cultivoit.
À ce léger crayon, cette horrible détresse,
On connoît que le crime a seul fait la noblesse.
Étoit-ce là, grand Dieu, ta primitive loi ?
L'homme avoit-il besoin d'autres maîtres que toi ?
Ne l'as-tu pas fait libre ? Or, nulle créature
Ne dérogeoit aux loix, n'en passoit la mesure,
Ces lâches, ces cruels, ces insignes voleurs,
Applaudissoient aux rois corrompus et sans mœurs,
Ils rampoient à leurs pieds par basse flatterie.
Mais à notre secours vint la Philosophie !
C'est Toi qui l'envoyas, suprême majesté !
Elle est un des rayons de ta divinité !
À elle tu joignis la vérité sublime !
Qui pour se faire voir se tint sur un haut cime :
Leurs brillantes éclairs débrouillent la Raison,
La Liberté bientôt a rompu la prison ;
L'Égalité renaît ! L'homme redevient sage
Tu reconnois alors, ô Dieu, ton bel ouvrage !
L'homme reste étonné ; en admiration !
Tout stupéfait de voir la constitution !
En son âme il bénit ta majesté suprême !
Et les dignes échos que t'enseignas toi-même !
Allez donc, philosophes, dîtes à l'univers,
Que les peuples partout sçachent rompre leurs fers ;
Qu'ainsi que les François ils brisent tous les sceptres,
Que les thrônes détruits ne montrent que des spectres ;
Que les rois de terreur fuyants et vagabonds,
Aillent tous demeurer aux antres des lyons :
Décrétez que le Ciel veut que l'homme soit libre,
Sur la terre et la mer, et même sur le Tibre !
Vos très doctes leçons subsistantes à jamais,
Vous serés appellés Restaurateurs français.
Tonnez, scribez du haut de la sainte Montagne !
Et répandez vos fleurs dans toute la campagne ;
Parsemez-en la Terre, et qu'en tous les jargons,
L'homme y voyë ses droits, et inscrive vos noms !
Que tous les habitants sur la terre et sur l'onde
Viennent les ramasser pour le bonheur du monde.
Oh ; qui n'admirera la main de l'Immortel,
Terrassant un orgueil qu'on crût être éternel !
Rome au plus haut point de sa magnificence,
Son empire s'écroule et tombe en décadence !
Et le thrône français après quinze cents ans,
Ainsi que lui périt avec la faulx du temps !
Heureux peuple françois, hors de la tirannie,
Vous n'avez qu'à chérir et aimer la patrie !
Entre vous n'ayez plus qu'une âme et qu'un cœur,
Vivants dans l'union pour le commun bonheur.
C'étoit là le lien des loix de la Nature,
Que trancha la cohorte infernale et impure ;
L'égoïste rapace, et l'avare odieux,
Le Prince, et le noble, et le prêtre orgueilleux ;
L'avide commerçant, et la magistrature,
Et le financier enrichi de l'usure.
Ainsi étoit vexé le malheureux François,
Et ce peuple si doux, tranquil, l'enduroit.
Or, voulant le tirer de ce dur esclavage,
Suprême majesté, tu montras ton visage !
Et tes ambassadeurs munis de ton pouvoir,
Sur une haute cime au peuple se font voir :
De ta science innée, ils parlent le langage,
Et les rois de l'Europe en frémissent de rage :
Tous ensemble armés, pour rompre tes desseins ;
En France viennent fondre, et leurs efforts sont vains :
Car en toi ayant mis toute notre espérance,
Confus ; ils verront tous le sol libre en France.
La douce Liberté si chère à tous les cœurs,
Jointe avec la paix, feront les bonnes mœurs ;
L'homme ainsi rendu à la sa noble origine,
De lui éloignera toute guerre intestine :
Toutes les nations jouissant de la paix
Profitant des leçons des députés français
Et bannissant les rois, et toute noble clique ;
Chaque canton par là aura sa République.
Répettons le, les rois de la terre bannis,
Tout à son aise l'homme en mangera les fruits.
La vertu trop long-temps de la terre exilée,
Aux yeux reparoîtra libre et dévoilée :
La justice aussi reprendra tous ses droits ;
Et tous exactement observeront les loix.
L'unité des François étant indivisible,
Rien jamais ne pourra leur devenir nuisible :
De la Convention renaîtra l'âge d'or,
Ce bien que Dieu tira de son propre trésor ;
Aux hommes il avoit fait cette faveur insigne,
Que l'on vivoit en paix à l'hombre de sa vigne ;
Ce temps va revenir, et il n'est pas bien !
Gratiffions-en Dieu qui de nous tous prend soin.
Éloignons-nous toujours de la méchante tourbe ;
Parmi nous ne souffrons jamais un homme fourbe :
Il vaut bien mieux mourir qu'être chargé de fers
Par des vautours cruëls sanguinaires et pervers.
L'Être suprême étant libre, juste et parfait
Soyons justes et bons ; soyons libres à jamais.