Cérès législatrice
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Texte
Sous l'habit du mensonge
La fable offre aux humains d'utiles vérités.
En mille endroits, sans qu'on y songe,
La Raison s'y présente aux regards enchantés ;
Mais le peuple ne voit ces obscures beautés ;
Un fin discernement, que n'a point tout le monde,
Les peut seul découvrir.
Qu'ont voulu nos ayeux, par exemple, établir,
Quand à la déesse féconde,
Qui nourrit les mortels,
Ils élevèrent des autels
Sous le nom de législatrice ?
Je vois dans cette fiction
Un ingénieux artifice,
Une publique instruction.
L'immortelle dispensatrice
Des biens ici-bas répandus
Nous peint ces hommes sages,
Que des talens, ou des vertus
Conduisirent aux avantages
D'une douce propriété.
C'est dans leurs mains que la société
Doit remettre des loix l'auguste majesté ;
Ce dépôt appartient à leur haute sagesse.
Qui possède, chérit la paix
Protectrice de l'ordre, appui de la richesse,
Et qui n'a rien à rien ne s'intéresse.
Loin de nous désormais
L'extravagance impolitique
De confier le soin du bienfait des Français
À gens pour qui la guerre a seule des attraits,
Qui dans le trouble domestique
Cherchent à contenter de viles passions,
Satellites des factions,
Toujours prêts à se vendre au pouvoir tyrannique,
Organisant par eux les insurrections !
Assez et trop longtemps une aveugle manie
Au vandalisme affreux a livré ma patrie.
Des hordes de brigands au crime accoutumés,
Comme des vautours affamés,
Ont partout dévoré la publique fortune ;
Partout on les voyait, amis des attentats,
Spéculer froidement sur la perte commune,
Et s'enrichir par des assassinats.
Un décret bienfaisant
De cette fange meurtrière,
A purgé l'heureux sol de l'empire des Francs ;
Ne rendons point à nos anciens tyrans
Le pouvoir, dont l'abus causa notre misère.
De la propriété reconnaissons les droits,
Et d'elle recevons le code de nos loix,
Puisqu'elle seule peut conduire
Au port si désiré le vaisseau de l'empire.