Chanson de Messieurs les Forts de la Halle et du Port-z'aux-Blés, pour au sujet du séjour du Roi à Paris

Auteur(s)

Année de composition

v. 1789

Genre poétique

Description

Paratexte

Texte

Air : En passant sur le Pont-Neuf

Not' bon roi s'plaît z'à Paris,
Ça ravigotte l'zesprits,
Le v'là sous la sauve-garde
D' not' honneur et de not' amour :
Nos cœurs y montons la garde,
On s'bat pour y avoir son tour.

À Metz y voulions l'emmener,
Pour afin d' l'emprisonner ;
Y voulions la guerr' civile,
Et qu' not' sang fut répandu,
Mais c'te guerr' fort z'incivile
J' l'avons t'arrêté sus cu.

Enfin j' l'obtenons pourtant
C' bonheur que j' désirions tant :
Sa bonn' ville d'origine
Est zous qu'il est le plus chéri :
J' lui f'rons bonn' chère et bonn' mine,
Comm' nos per' z'au bon Henri.

V'là la cause du pourquoi
Qu' j'avons t'été chercher le roi.
Ceux qui lui tendions d' zembuches
J' les ont pris dans leux filets :
Les v'là sots comme des cruches
Et chifflés par les valets.

S'ils ameutons les brigands
J'avons nos moules de gants ;
J' f'rons voir qu' les Forts de la Halle
Et les Forts du Port-z'aux-Blés,
Pour sabouler zeun' cabale,
Sont nerveux et ben tablés.

À peu d' frais j'ons t'acheté
Not' heureuse liberté ;
Il en a coûté queuqu' têtes,
Qui d' ça se s'raient ben passés ;
Mais il n'est point d' bonnes fêtes
Sans queuqu' verres cassés.

C'est dans la tranquillité
Qu'on jouit d' la liberté :
J' nous mang'rons-t'y zentre frères.
Comme de vrais garnemens ?
Not' roi qu'est l' meyeur des pères,
Aura-t-y d' mauvais enfans ?

Il se rend à not souhait,
Rendons-lui l' bien qu'il nous fait :
Laissons-le dans son tranquille ;
N'affligeons plus son bon cœur :
Que c' bon roi, dans sa bonne ville,
N'y voy' p'us d' sabat ni d'horreur.

Plus je n' nous mêl'rons de rien
Et plus not' bien ira bien :
À c' manège j'ons nos pères,
Les lurons entendrons l'chic,
Ils manég'ront nos affaires
Aussi ben que not' district.

J'ons d' la farine et du grain,
J'nons pas peur d' mourir d faim :
Messieurs d' l'aristracas'rie,
Nos beaux jours s'raient-ils perdus ?
J'avons l'air d'eun' tragédie :
Pourquoi donc qu' je n' chantons p'us ?

J' somm' de drôles d' moigneaux,
D'venus libres, j'ons l'bec clos.
Quand j'étions dans l'esclavage
J' fredonnions de jolis chants ;
J'ons l'air de r'gretter la cage
Quand j'avons la clef des champs.

D' quoi donc qu' nous nous inquiétons ?
Buvons l'rogome et chantons ;
J'ons le brave La Fayette,
L' sag' Necker et le bon Bailly,
Ils nous tireront braye nette,
Avec le temps, du margouilly.