Circonstance du 21 juin 1791, ou le Grand coup manqué (La)
Mots-clés
Musique
Paratexte
Texte
Ode
Tandis qu'au loin la sombre envie
S'arme, au mépris de la Raison,
Que l'infâme aristocratie
Au loin infecte l'horizon,
Des Français fiers, pleins de courage,
En paix ici bravent l'orage
Qui gronde autour de nos remparts ;
Et contre lui ce peuple d'hommes
N'aperçoit que de vils atomes,
Peu faits pour fixer ses regards.
Liberté ! Ce nom seul enflamme !
Et pour défendre ses drapeaux,
Nouvelle ardeur et nouvelle arme
Partout présentent des héros :
Partout, sur les partis contraires,
Des citoyens unis en frères
L'esprit l'emporte et fait la loi ;
Mais ô crime ! Ô honte ! Ô bassesse !
Le Prince abjure sa promesse,
Fuit lâchement, trahit sa foi.
À travers une nuit obscure
Il vole, et, loin de son palais,
Contre son pays, le parjure !
Déjà forme de noirs projets.
Mais l'effroi devance l'aurore ;
Le ver rongeur qui le dévore
Sur son front porte la pâleur,
Et le Ciel, à nos vœux propice,
Levant le bras de sa justice,
Frappe l'auguste déserteur.
Bientôt des bataillons s'unissent
Aux premiers rayons du soleil ;
À chaque pas leurs rangs grossissent,
Et dans les champs portent l'éveil.
Le monarque interdit frissonne,
Et dans sa frayeur abandonne
Jusqu'à sa propre dignité :
La foule cependant le presse,
L'arrête, excuse sa faiblesse,
Et respecte la majesté.
Mais la rapide Renommée
A fendu l'air, et dans Paris
Déjà la nouvelle est semée,
Varennes a vu pâlir Louis.
Déjà ses compagnons perfides,
En spectacle, aux regards avides,
Sur son char traînés sont offerts.
Ils arrivent ; un peuple immense
Observe un imposant silence,
S'indigne, et leur donne des fers.
Vains potentats, grands de la terre,
Aux jours de ses succès naissans,
La Raison s'arme du tonnerre
Contre les rois, s'ils sont tyrans.
À son flambeau l'erreur fait place,
Son éclat brille dans l'espace,
Et d'un peuple à ses droits rendu
Renaît la volonté suprême.
Rois, pour garder le diadème,
Sachez l'orner de la vertu.