Couplets chantés sur les débris de la Bastille, en l'honneur de J.-J. Rousseau, et devant son buste, le 14 juillet 1791

Auteur(s)

Année de composition

1791

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes en rimes croisées

Texte

Air : Ce fut par la faute du sort

Tandis que de la liberté
Paris célèbre la conquête,
D'un ami de l'humanité
Que ces jours soient aussi la fête !
Rousseau nous révéla nos droits ;
C'est à sa profonde éloquence
Que l'on doit le trésor des lois
Dont on vient d'enrichir la France.

Du feu pur de l'humanité
Animant toujours son langage,
Pour le peuple persécuté
Rousseau déploya son courage.
C'est pour lui qu'il se déclara ;
Et sorti de son esclavage,
Au grand homme qui l'en tira
Ce peuple entier doit son hommage.

Que d'autres flattent les guerriers ;
Nous révérons aussi leur gloire ;
Mais le sang qui teint leurs lauriers
Tache trop souvent leur mémoire.
Rousseau, par de sanglants exploits,
N'a point affligé la Nature ;
Il fut l'apôtre de ses lois,
Et comme elle sa gloire est pure.

L'erreur, dans de vieux préjugés,
Avait plongé la France entière ;
Rousseau nous en a dégagés
En nous prodiguant la lumière :
Mais effrayé de ses leçons,
Le monstre de la tyrannie,
Dans les cachots que nous foulons
Voulut engloutir son génie.

Ces cachots tombés sous nos coups,
De leurs débris jonchent la terre.
Oh ! Que ne peut-il avec nous
Les voir couchés dans la poussière !
Ce lieu détruit, homme immortel,
Te rend un éloquent hommage,
Et ses ruines sont l'autel
Où nous révérons ton image.