Épître à l'ombre de Gilbert, ou la Fin du XVIIIe siècle
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Paratexte
Je signe hardiment mes vers accusateurs.
Gilbert
Texte
Pardonne, cher Gilbert, si, troublant ta grande ombre,
J'ose aller te chercher jusqu'au royaume sombre :
Mais, dans notre âge, à qui puis-je adresser mes vers,
Qui, des mœurs que je peins n'imite les travers ?
Jeune homme, diras-tu, « quelle-est ton imprudence ?
Des Tigellins
Quel penchant malheureux entraîne ton esprit ?
De mon trépas, crois-moi, retire quelque fruit :
Si tu sçais mes malheurs, qu'ils te servent d'exemple ! »
Je les connois : mon œil sans effroi les contemple.
Ah ! Lâchement flatteur, désormais prétends-tu
Que j'applaudisse au crime et blâme la vertu ?
J'oserai, dût l'exil honorer ma franchise,
Démasquer dans mes vers le vice et la sottise,
Ils brillent, je le sçais, dans l'art ingénieux
D'éloigner l'importun qui peut blesser leurs yeux :
Mais la crainte n'est point un frein qui me retienne ;
Je peindrois leurs excès, des antres de Cayenne.
Qui pourroit, en effet, tranquille en sa fureur,
Retenir de son vers la noble et juste aigreur ?
Quand, du peuple opprimé dévorant les ruines,
Pallas
Flétri de nos mépris, il retient son trésor,
Et boit le sang du peuple en une coupe d'or.
Mais, pour lui, le mépris est-il donc si funeste ?
Le déshonneur n'est rien, puisque l'argent lui reste.
Quand je vois, sous mes yeux, ces horreurs se passer,
Sur des sujets moins grands dois-je donc m'exercer ?
Et, rival de Camaille, affrontant le Ténare,
Écrire pour Ribié de la prose barbare ;
Ou, prenant, sans génie, un orgueilleux essor,
Chanter les Francs en vers plus barbares encor ?
Ah ! Sans pâlir en vain sur des sujets stériles,
Quels tableaux variés me présentent nos villes !
L'amazone Doris, au teint mâle et bruni,
Monte un coursier fougueux : on diroit Franconie
Et, d'un maître de l'art orgueilleuse rivale,
Par son air assuré, le surpasse ou l'égale.
Zulmis, adroit cocher, et le sein pantelant,
Guide un rapide char sur le pavé brûlant,
Qui, de loin emporte par un coursier agile
Par sa rapidité paroît presqu'immobile.
Que si quelqu'étourdi renverse sur ses pas,
Sous les pieds des chevaux a trouvé le trépas ;
Tant pis… Car c'est à tort que l'injuste police
Défend à nos beautés un si doux exercice !
Mais auprès de Zulmis je viens d'appercevoir
Cliton, dont autrefois le modeste rasoir
Dépouilloit mon menton d'un duvet foible encore :
Artisan estimé, Cliton se déshonore ;
Laissant les attributs et l'habit de coiffeur,
La soif de s'enrichir l'a fait agioteur ;
D'une fortune immense il est propriétaire.
Son état est changé, mais non son caractère ;
Grand par son opulence, abject en ses désirs :
Il promène son or de plaisirs en plaisirs.
A l'Opéra bien vite il prend une maîtresse
Fort experte dans l'art d'épuiser la richesse ;
Trop heureux, en perdant ce précieux métal,
S'il peut, dans son malheur, éviter l'hôpital.
Ce ne sont encor là que des tableaux vulgaires ;
Mais qui pouroit compter les jeunes adultères,
Les vieillards effrontés ; les débauchés enfans ;
Les viols, les trahisons et les embrâsemens ;
Le déshonneur au sein des plus chastes familles ;
Les pères corrupteurs qui séduisent leurs filles ;
Ceux qui de leurs enfans ont abrégé les jours,
Et les avortemens, fruits d'infâmes amours ;
Des beautés de ce temps les honteuses foiblesses
Les amans irrités poignardant leurs maîtresses,
Les crimes inouis, et les grands attentats
Qui des bourreaux surpris ont fatigué le bras.
Ô mœurs ! ô siècle affreux ! Ô ma triste patrie,
Des hommes corrompus te couvrent d'infamie !
Tu penches vers l'abîme, et ces temps malheureux
Feront l'étonnement de nos derniers neveux.
Ah ! Puissent-ils alors, instruits par nos misères,
N'imiter pas surtout les crimes de leurs pères !
Mais que dis-je ? Aux forfaits dès long-tems exercés,
Comment par nos enfans serions-nous surpassés ?
De nos malheurs, Gilbert, tu prévis l'origine :
L'éternel méconnu causa notre ruine.
Eh ! Doit-on s'étonner, dans ce siècle d'horreur,
Que le peuple trompé s'abandonne à l'erreur ?
Lorsqu'il voit chaque jour, vils apôtres des crimes,
Des gens, qu'il croit instruits, professer ces maximes :
Quand Lalande apperçoit, les yeux fixés au ciel,
Ce qui n'existe pas, sans y voir l'éternel,
Proclame le néant, et nouvel Encelade,
Attire ses carreaux sur sa tête malade.
Si la religion n'est plus un frein puissant,
Celui des loix bientôt devient insuffisant.
Aussi, pour parvenir, vos regards téméraires
Doivent voir de sang froid l'exil et les galères.
Osez tout aujourd'hui : car c'est par des horreurs
Qu'on s'élève à coup sûr au faîte des honneurs.
Les crimes monstrueux ont seuls droit aux richesses :
Eux seuls peuvent donner des palais, des maîtresses
Des chars bien suspendus chez Gagnant achetés,
De l'honnête homme à pied justement redoutés ;
Des meubles d'acajou, des vases magnifiques,
Et qui plaisent surtout parce qu'ils sont antiques.
Quel crimes en effet ne commettroit-il pas
Celui qui croit que tout s'éteint à son trépas ?
Gilbert, voilà les maux de la France avilie
Mais, diras-tu, « du moins de la philosophie,
Les soins compatissans auront séché vos pleurs ?
Vos philosophes nains et vos profonds penseurs
Auront réalisé leurs brillantes chimères ?
Sans doute vous savez que les hommes sont frères :
Qu'ils doivent en commun supporter tous leurs maux ?
La bienfaisance au moins respire en vos journaux. »
Il est vrai ; j'avois tort, il faut que je l'avoue :
Et notre humanité mérite qu'on la loue.
L'auguste bienfaisance embrâse tous les cœurs,
Et jusqu'au sein du vice on connoît ses douceurs.
Phryné même, parfois sensible et débonnaire,
Visite les greniers où languit la misère.
C'est bienfait, j'en conviens ; s'il faut dire encor plus,
Tout Paris retentit du bruit de ses vertus ;
Aux concerts de Feydeau chacun fixe sa loge ;
Pnis, en parlant de mœurs, Campagne en fait 1'éloge.
Penthièvre
Bienfaiteurs des mortels, n'agissoient point ainsi ;
Mais, couvrant tous leurs pas du plus profond silence,
Ils cherchoient en secret la modeste indigence ;
Leurs bienfaits hautement n'étoient point publiés :
Plus ils étoient obscurs, mieux ils étoient payés ;
Leur vue aux malheureux n'en étoit pas moins chère :
Les bienfaits n'ont de prix qu'entourés du mystère.
Tout jusqu'à nos vertus n'est que faste et qu'orgueil :
Des sages de nos jours c'est le fatal écueil ;
Toujours à leur conduite opposant leurs maximes,
Humains dans leurs discours, ils se couvrent de crimes :
Affamés de grandeurs, jouant les Curius,
Leur but est le plaisir, leur déité Plutus.
De toutes les vertus ils n'ont que l'apparence :
Mais sur leur compte enfin désenchantons la France.
Clitophon à mes yeux le premier vient s'offrir ;
De nos débordemens chacun le voit souffrir ;
À son regard farouche à son maintien austère,
On diroit un Caton qui gourmande la terre.
Licurgue de nos jours, Spartiate à Paris,
Toujours le bien public respire en ses écrits ;
Tous ses discours son pleins d'une morale utile :
Il y montre du bien la route difficile.
« Des vertus je le sçais, le sentier est glissant,
Mais apprends-moi, l'ami, pourquoi ton cou luisant
Répand autour de toi cette odeur agréable ?
Je crois de tes leçons la pratique admirable ;
Daigne m'initier à tes heureux secrets :
Est-ce pour la vertu que tu fais ces apprêts ?
Où vend-t-on ce parfum ? Dis-moi ce qu'il te coûte ?
Comme toi des vertus je veux suivre la route. »
Interdit et pensif, notre Solon musqué
S'apperçut, à ces mots, qu'il étoit démasqué ;
Et me dit, dépouillant son ton rogue et sévère,
Ton ingénuité mérite qu'on l'éclaire :
« Le peuple n'est point fait pour voir la vérité ;
Qui le trompe le mieux, est le mieux écouté
À régenter la France il est vrai je m'occupe :
Mais régler mes penchans ! Ce seroit être dupe !
De suivre mes leçons je ne suis point si sot :
Prêchons la tempérance et dînons chez Meot. »
Aussi vous rencontrez dans le sein de nos villes
Ces spectres chancelans, ces fantômes débiles ;
Hommes dégénérés et sépulcres vivans,
Ils touchent au trépas à la fleur de leurs ans.
Leur front, muet témoin, sillonné par le vice,
Porte de leurs excès la trace accusatrice ;
Et leur démarche lente atteste tous les maux
Dont ils chargent en vain de plus nobles travaux.
Cependant, de nos mœurs proscrivant le scandale,
Affreux Trimalcions
Mais ils s'en vont bientôt, vaincus par la douleur
De leur fausse sagesse égayer Laffecteur.
Avec ces effrontés, par des forfaits unies,
D'adultères beautés disputent d'infamies ;
Et, d'un front aguerri, soutenant les clameurs,
Elles portent plus loin la licence des mœurs.
Flore, cherchant l'amour dans les plus bas étages,
Brûle des mêmes feux que nos Phrynés à gages.
La sultane Zulmé, raisonnant ses plaisirs,
Forme un sérail d'amans pour ses vastes désirs ;
Et Sapho, soupirant de criminelles flammes,
Affiche hautement ses caprices infâmes.
Trop sensible beauté : pour un cœur si brûlant
Notre sexe en amour devient insuffisant ;
De ces demi-plaisirs elle se dédommage
C'est au sien que Sapho porte un impur hommage.
Des Ménades sans frein partagent ses ardeurs ;
Lui vendent sans remords leurs indignes faveurs,
Et, poussant jusqu'au bout une affreuse licence,
Sur un lit fatigué combattent d'impuissance.
Ainsi tous ces trésors, par le crime entassés,
Pour des forfaits nouveaux sont bientôt épuisés.
Mais des lambris dorés de l'altière opulence
Ces crimes ont passé chez l'obscure indigence ;
Et la corruption, le vice et ses attraits
Ont dans les derniers rangs étendu leurs progrès.
La bourgeoise, des grands pratiquant les maximes,
Brûle depuis long-temps de feux illégitimes ;
Et, méprisant les nœuds avoués par les loix,
Fille encor, d'un époux elle fait déjà choix.
D'abord par le plaisir doucement attirée,
Ensuite aux goûts publics victime consacrée,
Bientôt on la verra flétrie à ses beaux jours,
Scandaliser Paris de ses tristes amours.
Malheureuse trois fois la beauté chaste et pure
Que séduit, jeune encor, le goût de la parure !
Du luxe et des plaisirs les attraits séducteurs
Ne subsistent jamais qu'aux dépens de ses mœurs.
Qui pourroit retenir sur le bord de l'abîme
La vierge, qu'éblouit l'éclat honteux du crime ?
Aux sarcasmes des sots qui voit l'honneur livré ;
Et du prix des vertus le vice décoré ?
Qui pourroit du péril garantir son jeune âge ?
Quand, bravant le public que leur richesse outrage,
Elle voit dans nos jeux d'impudentes Laïs,
En loge, étinceler du feu de leurs rubis ;
Lorsque, dans nos jardins, sur les bancs du théâtre
D'une frêle beauté le public idolâtre,
Oubliant à leurs pieds ses droits et ses sifflets,
À la honte des mœurs, applaudit leurs attraits :
Alors, au fond du cœur détestant sa misère,
En ses appas naissans l'infortunée espère ;
Et, briguant la faveur des modernes Croesus,
En gagnant des trésors, elle perd des vertus.
Bientôt nous la verrons en superbe équipage,
Ébranler le pavé tremblant sur son passage ;
Et, montrant un orgueil digne à peine de foi,
Hériter de l'hôtel du vainqueur de Rocroi.
L'Inde alors à grands frais entretient sa parure ;
Vous la voyez des Grecs emprunter sa coiffure ;
Et, du peuple indigné bravant les justes cris,
Acclimater Athènes au milieu de Paris.
Car un vêtement grec ! Est-il rien si commode ?
Quoi ! Vous êtes François ? Fi ! Ce n'est plus la mode.
Soyez Grec ou Persan, Romain, Chinois, Anglois ;
On vous passera tout : hormis d'être François.
Enfin l'Antiquité, de nos jours si vantée,
Est, j'en rends grâce au Ciel ! dans Paris transplantée,
Les Grecs et les Romains, despotes furieux,
Sans nous avoir conquis sont maîtres en ces lieux.
Celui que n'atteint pas la commune folie,
Au milieu d 'étrangers, est seul dans sa patrie.
À voir tous ces faquins, dans nos murs confondus
De vingt peuples divers vous diriez les rebuts.
Pour mieux les admirer abandonnez la ville.
Entrez dans ces jardins que, de sa main habile,
Aux jours de nos ayeux le Nôtre avoit plantes
Et, par de doctes mains, dans notre âge gâtés.
Là, de tous ses attraits fière et resplendissante,
Règne l'Antiquité, par nos maux triomphante.
Au détour d'un bosquet je vois Caligula ;
Plus loin près d'un bassin je rencontre Sylla.
Et d'un autre côté si mon destin n'engage
Ou Lycurgue ou Solon me barrent le passage,
Quand, pour les éviter je fuis à pas pressés,
Ce sont des Xénophons l'un sur l'autre entassés,
Je me crois échappé ? Le sort qui me domine
Dans un coin écarté vient m'offrir Messaline.
Enfin l'Antiquité, comme un spectre fâcheux
Me suit, pour mon malheur, et m'assiège en tous lieux.
De ces masques divers qui pourroit ne pas rire ?
Sans doute, avec raison, un François pourroit dire,
Comme autrefois
Rome n'est plus dans Rome, elle est toute à Paris.
Mais quand de toutes parts s'offrent Rome et la Grèce,
Je vois bien des Laïs et pas une Lucrèce.
Ainsi trop affecté de travers odieux,
Je cherche vainement où reposer mes yeux ;
Et, de quelque côté que le sort me conduise,
Je rencontre le vice ou trouve la sottise.
Irai-je en ces jardins pour le luxe apprêtés,
Ces théâtres impurs d'infâmes voluptés,
Lieux où mille beautés, pour le crime rivales,
Prodiguent à l'envi leurs caresses vénales,
Où la débauche affreuse et le plus vil amour
Ainsi que leur arène, ont choisi leur séjour ?
On se croit transporté dans les bois d'Idalie
Moins encor par leurs noms que par leur infamie.
Là, rayonnante d'or, la sale impureté,
Foulant aux pieds l'honneur, lève un front déhonté,
Sur un gazon fleuri, Zélis à demi-nue,
Mendiant le désir, se présente à la vue
De l'essaim effronté de ses adulateurs
Des faciles plaisirs partisans corrupteurs ;
Et, sans le frein des lois, que craint son impudence,
Qui sçait jusqu'où Zélis eût poussé la licence ?
Mais, ne pouvant aux yeux montrer tous ses attraits,
Un voile officieux marque les plus secrets.
Ah ! que par des Phrynés, troupe impure et vendue,
La pudeur, dans nos murs, soit toujours méconnue !
Qu'elles viennent encor, fières de nos mépris,
Étaler leurs appas aux yeux de tout Paris :
On connoît dès long-tems ces femmes impudentes.
Mais que, dans nos jardins, des mères indulgentes,
De leurs filles aussi dévoilant les attraits,
Osent publiquement afficher ces excès,
N'est-ce point là du vice étendre encor l'empire ?
Et c'est ce que les mœurs ordonnent de proscrire.
Mère, qui de ta fille as flatté les penchans,
Tu gémiras plus tard de ses égaremens !
Et toi, qui ne tiens pas pour d'absurdes chimères
Tous ces vieux préjugés respectés par nos pères,
Jeune homme, qui prétends dans d'honorables nœuds
Retenu par devoir, couler des jours heureux,
Quels attraits verras-tu dans ta nouvelle amante
Que n'ait point profanés une foule insolente ?
C'est au théâtre encor que mes yeux attristés
Ne rencontrent partout qu'impudiques beautés :
Lorsque Zéphir paroît l'œil d'Aglaë l'enflamme ;
Il commence à danser : la voilà qui se pâme ;
À chaque pas qu'il fait, de languissans soupirs
Font croire qu'elle expire à force de plaisirs.
Un époux, revenu de son lointain voyage,
N'en auroit pas d'amour un plus grand témoignage.
Nos Bathylles
Partagent les désirs, en allumant les sens.
Cloë choisit Pâris ; pour la tendre Glicère
Toute entière à Mentor, c'est lui qu'elle préfère.
Mais un acteur tragique a le cœur de Cloris :
C'est sa mâle vigueur qui lui valut le prix.
Dans les loges aussi de nos impurs théâtres,
Des mères, ou plutôt d'infernales marâtres,
De leurs filles, le soir, affichant les attraits,
Briguent pour leur beauté de scandaleux succès ;
Et, loin à leur vertu de servir de défense,
Vendent au plus offrant leur timide innocence.
Mais, détournant les yeux de ces tristes tableaux,
Pour la fureur des jeux réservons nos pinceaux.
Que dis-je ? La fureur ! C'est une affreuse rage
Qui dans tous les états a porté le ravage ;
On risque sa fortune, et cette soif du gain
De l'utile artisan dévore aussi le pain.
Visitons ces maisons dans Paris tolérées :
Les pleurs, le désespoir habitent leurs entrées ;
Des soupirs dévorés et de lugubres cris
De leurs sons effrayans font frémir les lambris.
À ces confuses voix, au bruit rauque et barbare ;
Vivant, on croit descendre aux rives du Ténare.
Exposant aux regards un perfide trésor,
Là, sur un tapis verd, siège la soif de l'or.
Là viennent s'engloutir ces fortunes altières
Qu'élèvent de nos jours les publiques misères ;
Là quelques sénateurs, enrichis par nos maux,
Viennent se délasser de leurs nobles travaux.
Ou bien, c'est un fripon à la mine importune,
Qui sur le gain d'autrui calcule sa fortune,
Et qui, dans un détour, vous présentant la mort,
Vous dépouille des biens que vous donna le sort.
Enfin, quand la nuit vient, l'avarice y rassemble
Des crimes étonnés de se trouver ensemble.
Là, des voluptueux, flétris par les plaisirs,
Prétendent par le jeu contenter leurs désirs
Souvent, quittant les bras de son fils, de sa fille,
Le père y vient jouer le pain de sa famille ;
Le crime dans ces lieux ne conduit point ses pas
Mais il voudroit des siens éloigner le trépas,
Et, cherchant un remède au destin qui 1'opprime,
Il creuse sous ses pas un plus profond abîme.
Arrête, infortuné ! N'accrois pas tes malheurs :
Gagne plutôt un pain qu'arroseront tes pleurs,
Que d'aller au hazard d'une infidelle chance
De ceux que tu chéris confier 1'existence.
C'est ainsi que le vice et ses succès honteux
De Paris dégradé font un séjour affreux
La débauche en ses murs a fixé son empire :
Et mêle ses poisons à l'air qu'on y respire.
Pour moi, qui de ces maux ai tracé le pouvoir
Je me croirois heureux d'avoir fait mon devoir,
Si mes vers ; dans les cœurs, jetant l'horreur du crime,
Arrachoient à ce gouffre une seule victime.
Telle que je la sens j'ai dit la vérité :
J'ai peint le vice horrible, et sa prospérité ;
L'athéisme étendant ses maximes funèbres ;
La France retournant aux siècles de ténèbres
Et nos sages d'un jour, et nos fiers novateurs ;
Je m'arrête un instant… à demain les auteurs.