Épître à Louis XVI, après son acceptation des lois constitutionnelles, présentée à S. M. le 29 septembre 1791
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Tu viens, Roi des Français, d'écarter les orages.
Le soleil reparoît, le ciel est sans nuages.
Tout rit dans la Nature, et promet aux humains
Les jours de l'âge d'or, jours calmes et sereins,
Où, sous le règne heureux de Saturne et de Rhée,
La guerre étoit bannie, et la paix adorée.
Notre vaisseau n'est plus à la merci des mers.
Les vents sont apaisés, tous les ports sont ouverts.
Tranquilles, nous voguons : nous revoyons la terre.
Plus d'éclair menaçant, plus d'effrayant tonnerre.
À l'envi tous les prés se parent de couleurs,
Et sous tes pas, Louis, on voit naître des fleurs.
Le berger te bénit sur le bord des fontaines.
Les agneaux, les chevreuils bondissent dans les plaines.
L'agriculteur joyeux, en cultivant les champs,
Forme des vœux pour toi, te consacre ses chants.
Sous les dômes formés par un épais feuillage,
Du chantre ailé des bois on entend le ramage.
Plus belle que le jour, la nuit brille à nos yeux,
Et Phébus est jaloux d'être moins radieux.
Ainsi, nous revivons dans ces tems si prospères
Où tu régnois, Louis, sur un peuple de frères ;
Où, rival des bons rois, des Trajan, des Titus,
Tu voyois les flatteurs tristes de tes vertus.
En vain leur tourbe impie, attentive, empressée
Mendioit tes regards, lisoit dans ta pensée :
D'un coup d'œil imposant que tu lançois sur eux,
Tu forçois à pâlir leurs visages honteux.
Mais, quand ils auroient dû s'enfuir loin de ton trône,
Les traîtres conspiroient à briser ta couronne :
Riches de tes bienfaits, tel en étoit le prix.
Ivres d'un fol espoir, se montrant les débris
De la France livrée à leur noire vengeance,
Et des fleuves de sang où flotte leur démence ;
Ces monstres se disoient : « Il est tems, vengeons-nous ;
Que le vil peuple enfin cède à notre courroux ;
Que le royaume entier, comme l'antique Troie,
Aux yeux de l'univers, des flammes soit la proie.
Dussions-nous expirer sur des tas de mourrans,
Frappons, n'épargnons rien, et frappons en tyrans.
Pour mieux accumuler victimes sur victimes,
Commettons le plus beau, le plus noble des crimes :
À la France enlevons son foible souverain ;
Des milliers de combats s'élèveront soudain ;
Au dedans, au dehors s'allumera la guerre ;
Et ses terribles coups ébranleront la terre.
À séduire Louis jurons de réussir :
Il aime la vertu, mais on peut le trahir.
Peignons-lui l'anarchie, aux bouches de vampire,
Assouvissant sa faim, et dévastant l'Empire
Par le crime impuni, par d'exécrables lois,
Que vendent à grand prix nos mille et deux cens rois.
Exagérons les maux, et son âme séduite,
Entrevoyant le bien dans une prompte fuite ;
Les armes à la main, le peuple furieux,
Déjà ne respirant que carnage en tous lieux,
Contre son propre sein, les tournera lui-même ;
Et Louis, dépouillant l'éclat du diadème,
Sera pris pour un traître, et loin d'être sauvé,
Au destin des Foul se verra réservé ».
Frémis, Roi des Français, à cet affreux langage
Dont l'étonnante horreur passera d'âge en âge :
Ton palais l'entendit, ton palais s'ébranla ;
D'horreur, au même instant, la Seine recula.
Des traîtres cependant les complots échouèrent ;
Mais, de chaînes chargés, encore ils nous bravèrent…
Qu'importe ? Pardonnons d'aveugles ennemis.
À ton peuple, grand roi, tes destins sont commis.
Contre lui, toute force est foible et chancelante ;
Toute noirceur est vaine, illusoire, impuissante.
Tel qu'un géant superbe, il marche avec fierté
Sous les drapeaux de Mars et de la Liberté.
Rien n'arrête ses pas ; intrépide, il s'avance,
Voit, brave les dangers, passe avec assurance,
Entend le despotisme, aux portes du trépas,
Jeter les derniers cris qui ne l'émeuvent pas :
Ainsi l'astre brillant qui sort du sein de l'onde,
Voit sous lui les enfers en parcourant le monde.
À ce portrait, Louis, reconnois, glorieux,
Non pas de vils sujets d'un tyran odieux,
Par son sceptre de fer tenus dans les entraves ;
Qui, dans l'oppression, le servent en esclaves ;
Mais le peuple français, peuple de citoyens,
À qui la seule loi peut donner des liens.
Tremble qui hait la loi, cette reine suprême,
Puissante autant que Dieu, juste autant que lui-même.
Devant elle, les rois, les bergers sont égaux.
À ses ordres, la mort les frappe de sa faux.
Ses deux ministres sont la force et la justice,
Ses gardes, les vertus : sous ses piés est le vice,
Qui, pour se relever, fait mille efforts en vain,
Baigné dans un sang noir, noir comme son venin.
La loi fait ton pouvoir, Louis ; c'est ta défense.
C'est elle qui des rois raffermit la puissance.
L'un par l'autre régnez, et ton peuple chéri
Adorera dans toi les vertus de Henri.