Honte de l'Angleterre (La)
Auteur(s)
Mots-clés
Paratexte
Texte
Unis par les forfaits et rivaux en audace
Les tirans avaient dit « le Soleil nous efface,
Mais que la Liberté naisse et meurre soudain ! »
Que pouvait cette ligue impure ?
Le tems ne peut changer le cours de la Nature :
Et des rois ont voulu commander au destin !
L'Éternel les entend, ses orgânes suprêmes
Ont répondu « tirans, vous tomberez vous-mêmes.
De quel droit osez-vous enchaîner les humains ?
La Liberté fut mon ouvrage :
Elle est de l'univers le public héritage ;
Respectez, en tombant, l'ouvrage de mes mains. »
Ces mots ont retenti jusqu'au sein de la France.
Déjà la mort d'un roi, signal de la vengeance,
Frappe, étonne et confond les despotes divers ;
Mais avant d'expier ensemble,
L'orgueil les réunit, la fureur les rassemble ;
Ils veulent dans leur chute entraîner l'univers.
La France est criminelle, et sa cause est publique,
Les rois veulent sauver leur pouvoir tirannique :
La guerre a déployé son appareil cruel ;
Et les prêtres, fléaux du monde,
D'accord avec les rois, quand le sang les inonde,
Invoquent les combats au nom de l'Éternel !
Ô champs de la Vendée ! Ô rives de la Loire !
Ô théâtres sanglants d'une juste victoire !
Vous qu'ils avaient choisis pour tombeau des Français,
La révolte vous abandonne,
Les Français ont vaincu, l'Europe s'est étonné ;
Et le trône et l'autel sont tombés pour jamais.
Quelle sombre vapeur, quel tourbillon rapide
S'élève tout à coup sur l'élément liquide ?
Les vents sont en fureur, le ciel s'arme d'éclairs,
Le jour fuit la Méditerranée :
Mais quelle est cette flotte errante, abandonnée ?
Les enfants d'Albion !… Oui, voilà ces pervers.
Ils ont fui la cité que l'on avait acquise,
Les héros opulents de l'obscure Tamise :
Lâches spoliateurs lâchement fugitifs,
Au feu ils cèdent leur conquête ;
Et chargés de forfaits, battus par la tempête,
Ils vont cacher au loin leurs pavillons craintifs.
Conquérant déserteur, peuple perfide et lâche,
C'est ainsi que des rois tu secondes la tâche !
Des rivaux de César où donc est la fierté ?
Que sont devenus tes ancêtres ?
Peuple dégénéré, garde tes nouveaux maîtres,
Sers ton roi, ton ministre, et fuis la Liberté !
Tu fus libre jadis, sois maintenant esclave.
Le Français à son tour te subjugue et te brave.
Ne l'as-tu pas vaincu dans les champs de Boston ?
C'était trop peu pour ton courage ;
Tu devais allier, sur un autre rivage,
La gloire de Dunkerque aux exploits de Toulon.
Qu'entends-je ! Quels accents ont frappé mon oreille
Est-ce du sein des morts un peuple qui s'éveille ?
Vengeance ! est le seul cri des mânes en couroux
Est-ce vous, victimes de Gêne ?
Ah ! D'un autre forfait vous réclamez la peine.
Tombez, Anglais, tombez ! Mânes appaisez-vous.
Périsse d'Albion la sanglante mémoire !
Que son nom réprouvé fasse horreur à l'Histoire !
Vents, soulevez les mers, liguez-vous, éléments,
Et de ses flottes vagabondes
Que les débris épars, promenés sur les ondes,
Soient d'un peuple assassin les derniers monuments.
Oui vous périrez tous, ennemis de la France !
Les tirans ont fui, la Liberté commence :
Le fanatisme expire, il n'aura plus d'autels ;
Et la Raison céleste et pure
Bientôt à l'Éternel, au nom de la Nautre,
Offrira pour encens le bonheur des mortels.