Hymne patriotique à l'Être suprême
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Texte
Être suprême, ô toi que la raison du sage,
La piété crédule, ou l'instinct du sauvage,
Adore également par des cultes divers ;
C'est toi qui dans le vuide as suspendu le monde :
Ta main sage et féconde
A pour nous de tes dons enrichi l'univers.
Zéphyr est ton haleine, et le jour ton sourire.
Rien n'existe sans toi : par toi, l'Homme respire,
Doué de la pensée, et né pour t'adorer,
Pour prix de tes faveurs, permets que je te nomme
L'auguste ami de l'Homme ;
Recevoir tes bienfaits, jouir, c'est t'honorer.
Non, tu n'es point le dieu dont le prêtre est l'apôtre.
Ce dieu, père d'un peuple, est le tyran d'un autre ;
Tu n'as point par la Bible enseigné les humains.
À nos yeux, à nos cœurs, tu parles sans figure :
La loi de la Nature
Est le livre sacré que nous ouvrent tes mains.
Interprète du Ciel, la Nature nous crie :
Adore un dieu, sois juste, et chéris ta patrie[1].
Elle prêche aux humains la douce égalité :
Du civisme en nos cœurs elle allume la flamme,
Et grave dans notre âme
Les droits sacrés de l'Homme et de la liberté.
Mais le prêtre imposteur corrompit son ouvrage.
Toujours de la raison il proscrivit l'usage :
Le despotisme affreux se fonda sur l'autel.
Le sceptre et l'encensoir, unis avec adresse,
Ont conspiré sans cesse,
Pour usurper la terre et profaner le Ciel.
Le prêtre, par la foi consacrant sa puissance,
N'admit qu'une vertu ; ce fut l'obéissance.
L'amour du bien public fut un crime à ses yeux.
Les rois ont fait régner, sous le nom de justice,
La force et l'artifice :
Qui rejeta leurs fers fut un séditieux.
Ô Dieu ! Confonds des rois l'orgueilleux despotisme :
Qu'armé de ses poignards, le hideux fanatisme,
Sous ses autels détruits, se replonge aux enfers.
Gouverné par les lois, que le genre humain libre
Garde cet équilibre,
Qu'observe, sous tes lois, l'ordre de l'univers.
Contre ses ennemis tu protèges la France.
La Nature partout nous promet l'abondance :
La liberté sourit à nos jeunes guerriers ;
La victoire déjà se déclare pour elle :
Et la gloire immortelle,
Au bonnet qui la couvre, attache ses lauriers.
En vain de ses soutiens un ennemi perfide,
D'une ligue coupable instrument parricide,
Environna leurs jours des périls les plus grands.
Ils vivent ! Tu couvris, à l'ombre de tes ailes,
Nos défenseurs fidèles :
Ils vivent ! Leur salut est la mort des tyrans.
Ton temple est l'univers : ton prêtre, la Nature :
L'hymne de la patrie, offrande libre et pure,
Est le plus digne encens qui monte vers les cieux.
Ton culte est la vertu : ta fête solennelle,
L'union fraternelle
D'un grand peuple à l'envi rassemblé sous tes yeux.
Tu vois un peuple-roi, qui n'a que toi pour maître
Éclairé, vertueux, autant qu'il le peut être,
Son culte est dégagé de faiblesse et d'erreur.
Veille sur la patrie : entends notre prière :
Qu'un siècle de lumière
Amène enfin pour nous un siècle de bonheur.
- ^ Ce vers est emprunté de Voltaire dans son poème sur la loi naturelle