Imprécations contre les parjures, à l'occasion de l'anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français ; suivies d'une invocation à l'Être suprême, conformément à l'arrêté du Directoire exécutif
Mots-clés
Paratexte
Non ego perfidum
Dixi sacramentum.
Horace
Texte
Chérir la République, adorer la patrie,
Détester à jamais l'exécrable anarchie,
Du cruel fanatisme enchaîner la fureur,
Garder pour les tyrans une éternelle horreur,
À tous nos descendans transmettre d'âge en âge
De nos droits reconquis l'immortel héritage,
Te servir, te défendre, ô sainte Liberté,
Voilà notre serment, nos cœurs nous l'ont dicté.
Il ne sera pas vain ; non, l'affreuse licence,
Qui de tant d'attentats ensanglanta la France,
Ne pourra du néant relever désormais
Son front hideux chargé d'opprobre et de forfaits.
Et vous sceptre orgueilleux, superbe diadème,
Il est lancé sur vous le fatal anathème :
Le peuple a proclamé ses ordres absolus ;
Il a dit : plus de rois ; et les rois ne sont plus.
La tombe a dévoré leur orgueil sanguinaire,
Et de tous les Français la haine héréditaire,
Dans l'immense avenir s'accumulant sur eux,
Scellera pour jamais leur cercueil odieux.
Oui, nous en attestons la puissance éternelle,
Qui fit la Liberté, qui nous créa pour elle,
Nous serons citoyens ; nous le jurons aux cieux,
Pour nous, pour nos enfans, pour nos derniers neveux.
S'il étoit parmi nous, un esclave, un perfide,
Tenté de regretter le pouvoir homicide,
Qui dans l'Europe entière ouvrit tant de tombeaux,
Qui d'une guerre impie alluma les flambeaux,
Qui soulevant l'audace et déchaînant le crime,
Creusa de tant de maux l'épouvantable abîme
Qui même osa bénir de ses sanglantes mains,
Au nom d'un Dieu de paix, les poignards assassins ;
Que l'opprobre s'attache à ce mortel infâme,
Que le remords saisisse et déchire son âme,
Que son cœur soit flétri, que les noms les plus doux,
Les noms sacrés de fils, et de père, et d'époux,
Des mortels vertueux les plus chères délices,
Deviennent à jamais ses plus cruels supplices ;
Qu'en vain sa voix implore, indigne de pitié,
Les soins consolateurs de la tendre amitié,
Qu'il n'ait plus de parens, qu'il n'ait plus de patrie,
Que de ses jours affreux traînant l'ignominie,
Errant dans l'univers, sans secours, sans repos,
Ce traître revomi par la terre et les flots,
Vil rebut des humains, de toute la Nature,
Et même des tyrans qu'a servis son parjure,
Pour prix de sa bassesse et de sa trahison,
S'il aborde un rivage, y trouve Quiberon.
Ô toi l'ami du juste et le vengeur du traître,
Des vrais républicains toi qui seul es le maître,
Qui, d'un œil satisfait contemple maintenant,
Les rois anéantis, le peuple triomphant,
Du citoyen français reçois le juste hommage ;
Ses glorieux succès, grand Dieu, sont ton ouvrage.
Si tu souffris long-temps qu'il fût humilié,
À ses jeux aujourd'hui tu t'es justifié.
S'il eût pu sous le joug d'une injuste puissance,
Quand tu l'abandonnais, nier ton existence ;
Si, tandis qu'il voyoit dominer les pervers,
Les crimes sur le trône, et les vertus aux fers,
Et de l'humanité la misère profonde,
Son cœur eût pu douter que tu régis le monde,
Peut-il te méconnaître en recouvrant ses droits ?
Peut-il nier un Dieu, quand il n'a plus de rois ?
Bienfaiteur des humains, que notre voix implore,
Toi, que l'esclave craint, que l'homme libre adore,
Ô Dieu libérateur, Dieu d'amour et de paix,
Daigne mettre aujourd'hui le comble à tes bienfaits ;
Éteins dans tous les cœurs les haines meurtrières ;
Fais de tous les Français des amis et des frères ;
Fais-en des citoyens, fidèles, vertueux,
Qui tous de la patrie enfans respectueux,
De sa voix maternelle appaisent les murmures,
De son sein déchiré referment les blessures,
Qui pour elle abjurant de coupables fureurs
S'efforcent de tarir la source de ses pleurs,
Et dans ses bras chéris, au sein de la victoire,
Unissent à jamais le bonheur et la gloire.