Au Premier Consul de France, sur le complot formé contre ses jours précieux, en l'an XII
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Cesse, perfide Anglais, traître, vain et parjure,
Par les plus noirs complots d'outrager la Nature,
Et couvrant l'océan de tes nombreux vaisseaux
D'effrayer l'univers par des crimes nouveaux.
Toi qui, peu satisfait du métier de corsaire,
S'avilit en jouant le rôle de sicaire ;
Crois-tu donc que l'Europe, en bute à ta fureur,
Pour punir tes forfaits n'aura pas un vengeur,
Dont le bras généreux, conduit par la Victoire,
Effacera ton nom des fastes de l'Histoire ?
Le monde entier t'accuse, et l'indignation
Te cite au tribunal de chaque nation.
J'entends de toutes parts les cris de tes victimes
Invoquer un héros et dénoncer tes crimes ;
En vain tu t'es promis de coupables succès
En foulant sous tes pieds l'olive de la paix ;
En vain sur tes trésors tu mets ta confiance :
L'or combattra pour toi… mais l'honneur pour la France ;
Elle a pour tout appui ses fidèles soldats,
Et toi tu n'as recours qu'à de vils scélérats.
Mais quel est donc ce chef d'une invincible armée,
Qui fit de ses exploits parler la Renommée ?
Il trahit sa patrie… et nos braves guerriers
Frémissent de l'affront qui souille ses lauriers.
Avait-il oublié qu'au temple de mémoire
La vertu seule inscrit les amans de la gloire ?
Moderne Cassius, du triomphe honoré,
Il n'est plus à nos yeux qu'un obscur conjuré.
Pour prix de sa noirceur, la roche tarpéienne
L'attend pour l'engloutir dans les eaux de la Seine.
Toi, l'amour des Français, dont les jours précieux
Ont été tant de fois préservés par les cieux,
Bonaparte, poursuis ta brillante carrière ;
Brise du léopard la tête meurtrière ;
Des homicides mains fais tomber les poignards ;
Reviens, noble vainqueur, sous le casque de Mars,
À l'abri du danger qui fit couler nos larmes,
D'un durable bonheur partager les doux charmes.
Rappelé dans nos murs par les arts, les talens,
Rends, pour combler nos vœux, un père à ses enfans.
Tous nos cœurs voleront offrir un pur hommage
Au nouveau Scipion, triomphant de Carthage.
Pour repousser les coups des cruels assassins,
Un peuple généreux veille sur tes destins ;
Si quelque monstre encore, échappé du Tartare,
Osait pour t'assaillir armer sa main barbare,
Pour tes jours seulement, saisi d'un juste effroi,
Le dernier des Français périrait avant toi.
Sources
MUTEL DE BOUCHEVILLE Jacques-François, Poésies diverses, Paris, Guilleminet libraire, 1807, tome 1, p. 288-290.