Cantique séculaire du père Duchesne (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1791

Genre poétique

Description

Texte

Air : Des pendus

Méfiez-vous, gens de Paris,
De tous ces députés maudits,
Qui sont vendus au ministère,
Et qui, pour ne pas lui déplaire,
Livrent, par l'appel nominal,
Le Peuple au pouvoir infernal.

Pour que ce malheur n'ait pas lieu,
Recommandons leur âme à Dieu :
La prochaine législature, 
Suivant les droits de la nature,
Aux nations, à tous les rois
Apprendra de meilleures loix.

Certes, il n'est pas naturel
Que, dans son régime nouvel,
La France, en la main d'un seul homme,
Laisse une puissance, une somme,
Dont l'influence & le calcul
Lui foutent de la pèle au cul.

Les peuples n'ont besoin de roi
Que pour sanctionner leur loi ;
Lorsque, sur icelle, il applique
Le sceau de la force publique,
Le roi remplit sa mission,
La loi son exécution.

Mais le pouvoir législatif,
En déléguant l'exécutif
Entre les mains d'un ministère
Anti-constitutionnaire,
À la France a donné la mort,
Séparant l'âme de son corps.

Par cette organisation,
La contre-Révolution,
Déjà que trop manifestée,
Est complètement décrétée,
Sauf la responsabilité,
Grâce au plus savant comité.

Les loix ont, en tout cas prévu,
À leur soumission pourvu :
Quand chaque officier populaire
En répond, comme mandataire,
Pourquoi leur donner pour censeur
Un ministère corrupteur ?

Peuples libres & souverains,
Si l'on vous lie ainsi les mains,
Donnerez- vous les étrivières
À des ministres réfractaires ?
Non ; c'est vous qui les recevrez, 
Et les verges vous paierez.

Sous le roi Jean, l'exécutif 
Fit pendre le législatif :
Aujourd'hui la chance est tournée ;
Pour affurer sa destinée,
Le peuple croit que le dernier
Peut faire prendre le premier.

Mais le Peuple est plus indulgent,
Il ne demande point de sang ;
Qu'il soit le roi, qu'on sanctionne,
Sous son nom, la loi qu'il se donne,
Qu'on l'exécute sous son nom,
Qu'on sauve trente million.

Pourquoi, sur un seul Citoyen,
Tant de puissance & tant de bien ?
Extirpons de dessus la terre
La cause de tant de misère :
Ce centre, auquel tout aboutit,
Tous les droits humains engloutit.

Thiare, sceptre, majesté,
Sacrés tisons de vanité,
Traîtres, qui vouliez passer outre, 
Pour nous envoyer faire foutre,
Soyez confondus à jamais,
Et laissez l'univers en paix.

Aimons-nous tous ; soyons unis :
Pardonnons à nos ennemis ;
Ayons pitié de leur délire :
Mais ne cessons pas de leur dire
Que tel est notre bon plaisir
DE VIVRE LIBRE OU DE MOURIR.

                                                                                                   


Autre air : Pauvre Jacques, quand j'étois près de toi

Peuple, autrefois les favoris d'un roi
T'avoient plongé dans la misère ;
Mais à présent, ta liberté, ta loi
Feront ton bonheur sur la terre.

Ils s'enivroient des fruits de tes travaux,
Et tu rampois dans la poussière ;
Au lieu d'écus que tu trouvois si beaux,
Leur mépris étoit ton salaire.

L'heureuse loi, qui les rend tes égaux ;
Les confond & les désespère :
Quoi ! disent-ils, nous, garder les troupeaux,
Nous, qui les mangions sans rien faire !

 
 

Sources

BNF, Ye 16580.