Cri de la nation, ode à la patrie (Le)
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Paratexte
Dicere verum
Quid vetat ?…
Hor.
Texte
Viens, descends à ma voix, de la double colline,
Puissant Dieu du génie, anime mes accens ;
J'ai besoin des élans de ta verve divine,
Pour peindre la valeur des Français gémissans.
Dévoile à tous les yeux l'exécrable carnage
Qu'on voulait faire dans Paris ;
Mais dis en même temps l'intrépide courage,
Qui dompta les tyrans surpris.
Les traîtres accouraient du pied d'une montagne,
Pour venir égorger des, femmes, des enfans,
Des hommes sans défense ; & déjà la campagne
Retentissait au loin de leurs cris triomphants.
Ils croyaient lâchement, ces brigands homicides
Qu'on n'oserait leur résister ;
Mais ils ont éprouvé, dans leurs fureurs stupides,
Ce que notre honneur peut tentera
Quels font donc ces soldats ennemis de la France,
Qui vouaient tout un peuple à leurs perfides coups ?
Dans des antres lointains ils ont reçu naissance,
On n'eût pas pu trouver de tels monstres chez nous ;
Il fallut recourir aux troupes étrangères.
Instrumens d'un complot affreux,
Pour un vil intérêt assassins, mercenaires.,
Que votre, aspect, m'est odieux !
Barbares légions, soldatesque brutale,
Quoi ! Sous les ordres vils d'infâmes généraux,
Vous étiez possédés d'une orgie infernale,
Et vous fouliez le peuple aux pieds de vos chevaux !
Le mépris & l'opprobre, une horrible existence
Vous doivent poursuivre à jamais :
Je vois l'arrêt fatal, je lis votre sentence,
Dans le cœur de tous les Français.
Habitans de Paris, sauveurs de la patrie ;
Vous avez combattu pour vos concitoyens,
Et vous n'avez pas craint d'exposer votre vie,
Pour soutenir nos droits, notre honneur & nos biens.
Mais, je vois parmi vous des milliers de victimes…
Grand Dieu ! Quel horrible attentat !
On voulait massacrer, par le plus noir des crimes,
Les représentans de l'État.
Ah ! Qui font ces guerriers touchés de nos alarmes,
Qui viennent nous prêter leur secours & leurs bras ?
Avec les citoyens ils unissent leurs armes,
Ils marchent à la tête, & bravent le trépas.
Oui, vous serez nommés Garde nationale :
À ce nom, la postérité
Votera comme nous la pompe triomphale
À votre générosité.
Ennemi des sujets, ainsi que du monarque,
Viens, despotisme affreux, soutenir nos regards ;
Contemple notre front, & vois en nous la marque
D'un peuple courageux qui craint peu tes poignards.
Viens, viens, nous t'attendons, mais armés de la foudre ;
Vois tous nos bras levés sur toi ;
Nous jurons de confondre & de réduire en poudre :
Tous les ministres de ta loi.
Peuples européens, nations étrangères,
Sans doute de ces faits vos yeux sont étonnés ;
Vous crûtes quelque temps, qu'au comble des misères,
Nous baiserions le joug des tyrans forcenés,
Mais connaissez enfin le peuple de la France ;
Il a sa première fierté ;
Il défie à jamais la plus forte puissance
D'anéantir sa liberté.
Ô vous, d'un sort affreux déplorables victimes ;
Qui trouvâtes la mort, en combattant pour nous,
À tous vos meurtriers nous creusons des abîmes
Jamais ils ne pourront échapper à nos coups,
Dans l'énorme forfait qui vous ôta la vie,
Nous nous sentons tous outragés ;
Quand vos mânes sanglans implorent la patrie
À coup sûr vous ferez vengés.
Rampans adulateurs, sanguinaires ministres,
Perfides courtisans, qui du meilleur des rois
Avez trompé le cœur par vos conseils sinistres,
Pour vous condamner tous, nous n'avons qu'une voix.
Dans votre désespoir, entr'ouvrez votre tombe ;
Vous enflammez notre fureur ;
Sous le glaive des loix que votre tête tombe,
Et que vos noms soient en horreur.
Recevez notre encens, nos sincères hommages,
Vous, de la nation, dignes représentans :
Vous êtes des vertus les vivantes images ;
Vos noms seront sacrés, chéris en tous les temps.
La lente vérité, grâce à votre zèle,
Enfin fait luire son flambeau ;
L'équité, par vos soins triomphante & plus belle,
Renaît du sein de son tombeau.
Ministre, vertueux, soutien de l'innocence,
Ô Necker ! qui pour nous consumais tous tes jours,
Tandis que tu faisais le bonheur de la France,
Quel démon de ta vie a pu troubler le cours ?
Hélas ! Pour consacrer tes travaux, tes lumières,
Nous ne cessions de te bénir ;
Mais on vint t'opposer d'odieuses barrières,
Et le crime te fit bannir.
Éloquent Mirabeau ! Toi dont l'âme brûlante
Échauffe en un instant les cœurs les plus glacés,
Poursuis, sans nul égard, ta carrière brillante :
Tes nombreux ennemis enfin sont terrassés.
Abattus à tes pieds, ils expirent de rage,
Ces grands qui voulaient t'écraser ;
Ta mâle fermeté servira d'âge en âge
D'exemple à qui voudra penser.
Citerai-je ton nom, héros infatigable,
Qui te couvris de gloire aux champs américains ?
En toi nous retrouvons un appui redoutable ;
L'étendard de l'honneur fut toujours dans tes main.
Non : il n'est, par besoin que ma muse te nomme ;
L'univers connaît le guerrier,
Qui partout défendit la liberté de l'homme
Et ne voulut que ce laurier.
Toi, Louis, notre roi, notre monarque auguste,
Entends la voix du peuple : il t'aime, il est soumis :
On osa lui prêter un cœur rebelle, injuste ;
On imposait au tien, connais tes ennemis.
Nous t'offrons pour toujours une garde fidèle ;
Mais laisse agir la nation :
Ton intérêt le veut, tu n'es qu'un avec elle :
Point de bien sans cette union.