Déserteur prussien, ou le Soldat éclairé (Le)

Année de composition

1793

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes en rimes plates

Texte

Air : de Calpigi

L'éclair a déchiré la nue ;
Le bandeau qui couvrait ma vue
Tombe, et je toise sans effroi
Ce colosse qu'on nommait roi.
Qui le sert est bien misérable ;
Sous une chaîne qui l'accable,
Sans le savoir il vit courbé,
Méconnaissant la Liberté. (bis)

Qui mieux que nous, hélas le prouve ;
Ma vie à chaque instant ne trouve
Que périls et nécessité,
Pour nous jamais de liberté. (bis)
Sans cesse j'expose ma tête,
Et des doux fruits de la conquête
Le despote use avec fierté,
Pour lui seul est la Liberté. (bis)

Si nous échappons à la guerre,
Nous périssons par la misère,
L'opprobre, le froid ou la faim,
Ou sous le bâton, comme un chien ; (bis)
Pour la moindre des bagatelles,
On nous traite en gueux, en rebelles,
De notre sort nul n'a pitié,
Ah ! Volons à la Liberté. (bis)

Au service de ces Procustes[1],
Nos efforts aussi vils qu'injustes
Ne sont voués qu'à la fureur,
Partout nous sommes en horreur. (bis)
Tandis que nos tyrans cupides
Enrichis par nos homicides
Nous laissent dans la pauvreté,
Ah ! Viens donc, chère Liberté. (bis)

Par leur mielleuse politique
Ils couvrent l'art diabolique
De la plus noire iniquité,
Forts en tout de l'impunité. (bis)
Mais de cette indigne folie
Qui déshonoroit notre vie,
Le charme est enfin dissipé,
Amis, fêtons la Liberté. (bis)

Il faut user de représailles,
Il faut apprendre à ces canailles
Que l'honneur et la majesté
Sont enfin de notre côté. (bis)
Faisons rejaillir sur eux-mêmes
Le mépris dont leur diadème
Chargea la foible humanité,
Et volons à la Liberté. (bis)

Sur terre plus de mangeurs d'hommes,
Qui de tout autant que nous sommes,
Suçoient la bourse et la santé,
Reviens, charmante Liberté ! (bis)
Alors, pour le bonheur du monde,
Des tyrans la cohorte immonde
Fuira d'un pas précipité
À l'aspect de la Liberté. (bis)

Des créanciers inexorables,
Des procureurs insatiables,
Fléaux affreux du genre humain,
N'écraseront plus l'orphelin ; (bis)
Victime des complots impies,
Sous la griffe de ces harpies,
L'honnête homme, au milieu des pleurs,
N'exhalera plus ses douleurs. (bis)

De vertus la vierge parée,
Et sa tendre mère éplorée,
N'assouviront plus les désirs
D'un Grand féroce en ses plaisirs. (bis)
Au gré de son brutal caprice,
On ne verra plus la justice,
Perdre pouvoir et majesté,
Quand régnera la Liberté. (bis)

Le front couronné de l'olive,
La paix trop long-tems fugitive,
Fertilisera nos sillons
Teints du sang de leurs bataillons. (bis)
Désormais leur rage farouche
N'arrachera plus de la bouche
Des enfans, le morceau de pain
Qu'à peine elle accorde à leur faim. (bis)

Que Cobourg et ses vils esclaves,
Chargés à leur tour des entraves
Qu'ils osoient river aux Français,
Sachent enfin par nos succès, (bis)
Qu'ils ne devoient qu'à la foiblesse
Des brutes qu'ils menoient en lesse,
Leur désastreuse autorité
Qu'a détruite la Liberté. (bis)

Plus de paix avec ces Tantales,
Tonnez canons, battez timbales,
Mêlez-vous au bruit du tambour,
Des vengeances voici le jour. (bis)
Que la flamme et le fer dévorent
Ces phalanges qui déshonorent
La terre de la Liberté,
En osant y mettre le pié. (bis)

Jusques aux confins de la terre,
Canons, portez le cri de guerre,
Et le cri de la Liberté,
Vive à jamais l'Égalité ! (bis)
Que bientôt ces hydres puissantes,
Sous Joseph et Georges rampantes,
De France meublent les gibets,
Pour ne se remontrer jamais. (bis)

Prussiens, comme moi sans-culottes,
Pourquoi donc à de vils despotes
Offrir votre sang et vos bras,
Que les monstres ne pairont pas. (bis)
Chez les Français osez me suivre,
C'est là qu'heureux nous pourrons vivre,
Au sein de la fraternité,
De la paix, de l'Égalité.
Vive, vive la Liberté.

  1. ^ Brigand célèbre par sa cruauté