Dialogue plaisant entre un maître Savetier et son fils, Abbé, célèbre aristocrate

Auteur(s)

Année de composition

1791

Genre poétique

Description

Sixains d'hexasyllabes

Texte

Air : de l'Enfant prodigue

Le père :

Qui t'amène en ma maison,
Fils indigne de mon nom ?
N'as-tu pas trahi ton père,
Tes parens et nos amis ?
Fuis, évite ma colère,
De chez moi je te bannis.

L'abbé :

Je suis membre du clergé ;
Et j'étais bien partagé.
Pour le salut de la France
Il fallait rendre mes biens ;
Pouvais-je mettre en balance
Vos intérêts et les miens ?

Le père :

O sais-tu bien, scélérat,
Renier le Tiers-État ?
Ne t'ai-je pas donné l'être ?
Si tu savais mon métier,
Au lieu d'être mauvais prêtre,
Tu serais bon savetier.

L'abbé :

À vous uni par le sang,
Mais désuni par le rang,
Sachant qu'au nouveau régime
Je perdrais mes revenus,
Pouvait-on me faire un crime
De protéger les abus ?

Le père :

Aristocrate insolent,
Non, tu n'es plus mon enfant ;
Pour conserver ta richesse
Tu ruinerais ton pays :
Va consumer ta molesse
Chez les filles de Paris.

L'abbé :

Appaisez votre courroux ;
Souffrez qu'un fils à genoux
Réclame votre clémence,
Ayez pitié de mon sort ;
Si je cède à l'évidence
C'est que je suis le moins fort.