Envoi du poème « Sur le progrès des arts dans la République » au Citoyen Merlin, ministre de la Justice
Auteur(s)
Mots-clés
Paratexte
Texte
Vous êtes l'enchanteur dont les douces paroles
Embellissant mes vers un tant soit peu frivoles,
Sur leurs nombreux défauts
Grâce à vous, mon jargon est la langue des dieux,
Aussi gauche, entre nous, que le bon La Fontaine ;
Quoique républicain j'ai besoin d'un mécène,
Vous m'en avés servi : du progrès des Neuf Sœurs,
Instruisés chaque jour nos sages directeurs,
Que par vous étouffant l'ignorance et le vice,
Ils tendent au Parnasse une main protectrice,
Qu'ils redonnent aux arts une noble fierté :
Aux rives de la Seine avec la liberté ;
Les arts vont refleurir, mais tels que les abeilles
Il leur fait un asyle et l'ombrage des treilles ;
Par Auguste jadis Virgile fut renté,
Virgile à jeun, peut-être eût assés mal chanté.
Où sont-ils les auteurs, me dirés-vous peut-être,
Que le siècle d'Auguste autrefois a vus naître,
Et qui renouvelés au siècle de Louis
Ont tenu si long-temps les regards éblouis ?
Où sont-ils ?… Ah ! Bientôt l'ardeur républicaine
Enflammant les esprits, courant de veine en veine,
Va les ressusciter une seconde fois,
Les efforts glorieux, les sublimes exploits
Des poëtes surtout excitent les courages,
Des grandes actions naissent les grands ouvrages
Et le patriotisme est le dieu des talens.
Cinq lustres accomplis surchargés de deux ans,
À peine de Lucain ombragèrent la tête,
Que de l'âpre Hélicon il atteignit le faîte,
Et dévorés du feu des cœurs républicains ;
Nos poëtes nouveaux seront tous des Lucains
Qui mourront, s'il le faut, pour sauver la patrie,
Vous l'aimés, on le sait, avec idolâtrie.
Même avant que Juillet eut vu crouler ces tours
Où n'osait la colombe enfermer ses amours,
Où sous d'affreux verrous gémissait l'innocence,
Vous avés des tyrans menacé la puissance !
Et des lois noble organe aux lois toujours soumis ;
Pontife maintenant au temple de Thémis,
Aux divers tribunaux vous dictés ses oracles
Et rendés la justice en dépit des obstacles.
Marchés ferme toujours dans le même sentier ;
Vous serés un des saints de mon calendrier.