Goût de la tonsure (Le)

Auteur(s)

Année de composition

1793

Genre poétique

Description

Dizains

Paratexte

Chanté à la société populaire de Poitiers, le 30 brumaire an 2 de la République

Texte

Air : Mon père étoit pot

Quels momens touchans et flatteurs
Pour la philosophie !
Le prêtre abjure ses erreurs
Et son hypocrisie.
Ces efforts humains
Sont-ils bien certains ?
Sont-ils dans la Nature ?
On est assuré
Que tous ont gardé
Du goût pour la tonsure.

Si la raison sait renverser
Et l'autel et l'idole,
Au prêtre elle fait adopter
Un culte moins frivole.
Par le sentiment,
Il va, comme amant,
Se rendre à la Nature.
N'est-il pas permis
D'avoir à ce prix
Du goût pour la tonsure ?

Que désormais il sera doux
Aux chargés de bréviaire,
Lorsqu'un jour ils seront époux,
De le dire à Cythère !
Ce fatras verbeux
D'un roi scandaleux
N'étoit qu'une imposture ;
Mais sur ces discours
L'emporta toujours
Le goût pour la tonsure.

Pour le bonheur de tout François,
Le républicanisme
Vient d'exterminer pour jamais
L'hydre du fanatisme.
Ce triomphe heureux
Sur un dogme affreux
Bannira l'imposture ;
Mais il restera,
Quoi qu'on en dira,
Du goût pour la tonsure.

Dépositaires des secrets
De toutes les familles,
Vous causiez de cuisans regrets
À d'innocentes filles.
Leurs tendres aveux
Du voluptueux
Aiguisoient la luxure ;
Et dans ses ébats
Il louoit tout bas
Son goût pour la tonsure.

Le partage du célibat
Est l'opprobre ou le crime ;
L'homme seul éprouve un combat
Dont il est la victime.
Le prêtre imposteur,
Non le créateur,
Aimoit la créature,
Et trouvoit plaisant
D'avoir, sans talent,
Les droits de la tonsure.

Plus la fortune s'aggrandit,
Plus on a de foiblesse ;
Les richesse étoient le prix
De la scélératesse.
Le sot préjugé,
Pour le haut clergé,
N'avoit point la mesure ;
À son intérêt
Toujours il joignoit
Le goût de la tonsure.

Dans le cloître l'oisiveté
Creusoit des précipices ;
Ce séjour d'imbécillité
Étoit celui des vices.
Ces escrocs pieux,
Dans ces sombres lieux,
S'exerçoient au parjure ;
Et ces fainéans
Usoient en brigands
Du goût de la tonsure.

Puisque tous nos maux sont venus
Des climats judaïques,
Anéantissons et Jésus
Et tous les fanatiques.
Que la Liberté,
Que la vérité
Confondent l'imposture ;
Mais craignons toujours
De fâcheux retours
Au goût de la tonsure.

 
 

Sources

AN, F17 1008A.