Grande famille (La)
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Paratexte
Texte
Quand, pour couronner son ouvrage,
Dieu fit le père des humains,
Et sur son immortelle image
L'eut formé de ses propres mains,
Dieu dit : « Se suffire à soi-même
Serait pour l'homme un triste honneur,
Je veux qu'il soit aimé, qu'il aime :
Là seulement est le bonheur. »
Dieu créa donc aussi la femme ;
Et l'embellit comme à plaisir ;
Dans ses beaux yeux et dans son âme
Il verse amour, pudeur, désir.
Je laisse à juger les tendresses
Que lui prodigue un jeune époux ;
Maintenant encor, leurs caresses
Nous servent de modèle à tous.
Il fallut d'abord, et je pense,
La chose avait bien sa douceur,
Que sans scrupule et sans dispense,
Le frère s'unit à sa sœur.
Mais aujourd'hui qu'aux sœurs des autres
Nous faisons agréer nos soins,
Si nous n'épousons pas les nôtres,
Nous ne les en aimons pas moins.
De cette union fraternelle
Naquit un si nombreux essaim,
Qu'enfin la maison paternelle
Ne put les tenir dans son sein.
Lors, en des cabanes voisines,
Que dans architecture on bâtit,
Avec ses charmantes cousines
Joyeusement on s'assortit.
C'est de ces cousines germaines
Que sont venus tous les humains.
Le même sang coule en leurs veines ;
Ils sont tous issus de germains.
Aussi, moi, toute femme ou fille
Est sûre de m'intéresser :
Je lui trouve un air de famille ;
Et j'irais presque l'embrasser.