J'ai vu, vers à Madame Debiou, qui possède une campagne, située dans les plus hautes montagne de la Belgique (Les)
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Musique
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Texte
Au milieu des monts sourcilleux,
J'ai vu les plus riches campagnes,
Et des jardins voluptueux,
Où Flore et ses jeunes compagnes
Bravaient les aquilons fougueux :
À travers des lits de verdure
J'ai vu jaillir de leurs canaux
Des cascades dont le murmure,
S'unissant aux chants des oiseaux,
De la plus touchante harmonie
Faisait retentir les échos :
J'ai vu sur une pente unie
Les amours fouler le gazon :
J'ai vu sous les lois d'Uranie
Les doux plaisirs et la raison
Courir et folâtrer ensemble,
Pressant et baisant tour à tour
L'heureuse main qui les rassemble.
Dans un asile impénétrable au jour,
J'ai vu le temple du mystère ;
De cet agréable séjour
La divinité tutélaire
N'était point la Vénus qu'on adore à Cythère,
Mais l'amitié, rivale de l'amour.
Belges, Français, sous sa bannière,
Oubliant leurs débats passés,
Montraient cette union que sur toute la terre
L'urbanité promet aux peuples policés.
J'ai vu les filles du village
Dansant sous de jeunes ormeaux,
Nous présenter encor les tableaux du bel âge ;
Et j'ai vu de libres vassaux
Descendre en foule des hameaux,
Pour renouveler un hommage
Qui n'était point celui des siècles féodaux.
Dans cet agréable assemblage,
J'ai vu ce qu'on voit rarement :
Des citoyens ne parlant point nouvelles ;
Des hommes dont l'esprit charmant
Donnait aux moindres bagatelles
Le coloris du sentiment,
Des femmes pleines d'agrément,
Ne se déchirant point entre elles ;
Une maîtresse de maison,
Ayant le ton de tous les âges,
Avec les fous ne parlant point raison,
Et raisonnant avec les sages.
J'ai vu là tout ce qu'on peut voir
De plus heureux, de plus aimable :
Je pars sans emporter l'espoir
De rencontrer jamais rien de semblable.