Loizerolles, ou le Triomphe de l'amour paternel
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Des cris de mort retentissent dans l'ombre…
À la lueur des funèbres flambeaux,
On vient saisir des victimes sans nombre :
Le sang jaillit sous le fer des bourreaux,
Et les prisons sont de vastes tombeaux.
Qu'ai-je entendu ?… Je frémis,… on m'appelle…
C'en est donc fait ! J'ai vu mon dernier jour,
Mon fils ! Et toi, ma compagne fidèle,
Qui gémissez aussi dans ce séjour,
Hélas ! Il faut vous quitter sans retour.
De nos tyrans un farouche émissaire,
L'œil égaré, vers moi porte ses pas.
Donne à l'instant cet ordre sanguinaire ;
Tu viens, cruel, m'annoncer le trépas…
J'ai soixante ans, et je ne le crains pas.
Dieu ! C'est mon fils que le glaive menace !…
Si jeune encore, ils veulent l'immoler !
Pour le sauver, ah ! Mourons à sa place…
Hélas ! Il vient… Osons dissimuler :
S'il faut du sang, c'est au mien à couler.
Adieu, mon fils ! J'ai fini ma carrière ;
Mon cœur est pur, je souris au destin.
Sois le soutien, sois l'appui de ta mère ;
Je te prédis un avenir serein :
Bientôt les cieux ne seront plus d'airain.
Vivez heureux… Qu'à ce prix je périsse !…
C'est là mon vœu… Je vole l'accomplir.
Ils pourront bien me traîner au supplice,
M'assassiner, mais jamais m'avilir…
L'innocent voit l'échafaud, sans pâlir.
Ainsi parlait ce vieillard vénérable ;
Son fils gémit ; il accuse le sort…
Le héros part… Il est jugé coupable…
J'ai réussi, dit-il avec transport,
Et sans regret il a reçu la mort.
Mais à l'aspect d'une telle victime,
Le Ciel s'émeut et se déclare enfin.
Le même jour, il tonne sur le crime ;
Et les tyrans, ivres de sang humain,
À l'échafaud montent le lendemain.