Ode arabe sur la conquête de l'Égypte

Année de composition

1798-1799 (an VII)

Genre poétique

Description

Paratexte

Texte

Enfin nous voyons luire sur nous l'aurore du bonheur
Les temps fixés par DIEU sont arrivés ;
Une athmosphère de félicité nous environne,
L'astre brillant de la victoire qui dirige les guerriers français a répandu sur nous son éclatante lumière ;
La renommée et la célébrité les précèdent,
La fortune et l'honneur les accompagnent.

Le chef qui marche à leur tête est impétueux et terrible ;
Son nom épouvante les rois ;
Les rois fléchissent leur tête altière devant l'invincible BONAPARTE, devant le lion des combats ;
Son courage maîtrise les destinées irrévocables, et les cieux de la gloire s'abaissent devant lui. 

Tout doit céder à sa puissance !
Malheur à quiconque lève contre lui l'étendard de la guerre ;
Se déclarer son ennemi c'est se dévouer à une perte inévitable ;
Il force à s'humilier devant lui les puissans qui osent lui résister,
Et sa générosité envers les peuples soumis est un vaste océan qui n'a ni fond ni bornes. 

Phénix de son siècle, par-tout il a répandu la terreur par son activité surnaturelle et la rapidité plus qu'étonnante de ses conquêtes.
Vainqueur des Rois ligués ensemble, de nouvelles destinées l'occupent ;
Il médite de nouveaux triomphes.
Aussitôt à ses ordres des phalanges infatigables se pressent sous ses étendards ;
À ses ordres les mers étonnées se couvrent de nombreux vaisseaux.

Alexandrie malgré tous les obstacles qui la défendent,
Ne peut soutenir son attaque ;
Le Mohharrem l'y voit entrer victorieux. Mohharrem ! Mois heureux !
À l'honneur d'ouvrir l'année, tu réunis maintenant celui d'avoir ouvert aux héros français la carrière de leurs triomphes.
Bientôt le Kaire voit l'armée, fière de ses nouveaux trophées, inonder ses plaines, et se précipiter autour de ses remparts. 

Chaque jeune guerrier brûle d'impatience de pouvoir signaler sa valeur.
BONAPARTE range ses phalanges belliqueuses en général habile, et les dispose pour l'attaque ;
Il déploie toutes les connaissances qu'une longue expérience et l'étude lui ont acquises dans l'art des combats.
Tout à coup à ses ordres ses bataillons s'ébranlent, s'élancent avec impétuosité, et d'une course rapide fondent sur les Mamlouks présomptueux. 

Alors le combat s'embrâse comme une fournaise ardente ;
Le fracas des armes sème au loin l'épouvante, et glace les cœurs d'effroi :
L'enfant lui-même qui dans les guerres ordinaires ignore la crainte commune, et ne pense qu'aux jeux de son âge, 
Sent sur son front ses cheveux se dresser et blanchir de terreur.
Bientôt les Beys tremblent et se troublent ;
Ils boivent à longs traits la coupe de l'amertume, et leur âme consternée s'abandonne au désespoir en voyant une journée qui leur est si désastreuse. 

Journée à jamais mémorable ! Ô DIEU ! préserve nous d'être de nouveau témoins d'un combat aussi terrible !…
À moitié taillée en pièces, cette multitude innombrable armée par les Beys pour leur défense,
Se disperse épouvantée dans les déserts : la mort les y poursuit, la mort plane au-dessus de leurs têtes, comme si le ciel irrité de leurs crimes eût fait pleuvoir sur eux les flammes vengeresses de sa colère. 

Dans ce désastre général, chaque chef, chaque soldat n'a plus qu'un seul désir, la fuite et la retraite loin d'une terre que leur tyrannie leur a rendue inhospitalière ;
Une sombre horreur s'appesantit sur leurs âmes abattues, et le malheur s'attache par-tout inséparablement à leurs pas.
BONAPARTE triomphe, et la défaite des Mamlouks a décidé leur sort pour toujours.

Leur puissance est anéantie et il ne reste plus à leurs Princes dispersés d'autre carrière à parcourir que celle de l'humiliation, de la misère et du déshonneur.
Le Kaire ouvre ses portes, et reçoit dans son sein son vainqueur.
Les volontés de DIEU sont accomplies, et le second mois de l'année, Ssafar, est la glorieuse époque du complément heureux des triomphes dont l'année a vu commencer le cours.

(traduit par Jean-Joseph Marcel)

 
 

Sources

Décade égyptienne, n° 3, p. 86-96.