Ode aux belles qui veulent devenir poëtes
Auteur(s)
Mots-clés
Paratexte
Texte
Souveraines dans l'art de plaire,
Les dieux vous firent pour aimer :
L'Amour verrait avec colère
Une nuit perdue à rimer.
Quoi ! Dans une docte insomnie,
Parjures à ce dieu si doux,
Vous prodigueriez au génie
Un baiser stérile et jaloux !
Nos cœurs vous cèdent la victoire ;
Qu'elle borne votre désir :
Un long siècle dans la mémoire
Ne vaut pas l'instant du plaisir.
La rose vit un jour à peine,
Mais elle charme tous les yeux,
Et n'est point jalouse du chêne
Qui porte son front dans les cieux.
Voit-on la colombe de Gnide
Affecter l'empire de l'air,
Et ravir à l'aigle intrépide
Les triples feux de Jupiter ?
Laissez-nous la double colline ;
Régnez à Cythère, à Paphos :
En vers tendres, le doux Racine
A même vaincu les Saphos.
Le coursier fougueux du Parnasse
Ne cède qu'aux fils d'Apollon,
Et se rit de la faible audace
Des Amazones d'Hélicon.
Rassurez les Grâces confuses ;
Ne trahissez point vos appas :
Voulez-vous ressembler aux muses,
Inspirez, mais n'écrivez pas.