Ode latine au général Bonaparte

Auteur(s)

Année de composition

1797

Genre poétique

Description

Mots-clés

Musique

Paratexte

Ce n'est pas seulement en France et en Italie que le nom de Bonaparte est cher aux amis de la liberté. Nous avons reçu de Hollande cet hommage qui lui a été rendu par un savant d'Amsterdam, pays où l'on cultive encore la langue des Romains, tandis qu'on la laisse tomber en France dans une honteuse désuétude. Nous nous empressons de publier cette pièce intéressante. L'auteur est M. de Bosch, connu dans la littérature par une fort belle édition de l'Anthologie, avec la version inédite de Grotius. Nous joignons au texte latin de son ode, une traduction française faite à la hâte, mais suffisante pour en faire connaître au moins l'esprit, à ceux de nos lecteurs à qui la langue latine n'est pas familière. Les latinistes nous pardonneront ce qu'a de faible cette imitation, d'autant plus volontiers qu'elle leur est inutile. Nous voudrions qu'elle le fût à tous les Français.

Texte

Ad Bonaparte À Bonaparte

Ad Bonaparte

Qua lingua vatum, linguave civium
Omet decoris proelia laudibus,
Commendet aut seclis futuris ;
O Bonaparte, tuos triumphos ?

Quo bella tentas, gloria convolat,
Horror phalanges occupat hostium,
Flammisque ductoris coruscam
Caesariem tremuere turma.

Sit magna virtus, pellere finibus
Qui jura frangint libera patriae,
Victoris ast summis trophais
Major honos renovare pacem.

Qualis sub altis condita nubibus
Phaebus renascens lumina dissipat,
Terraque, disjectis tenebris,
Exilarat faciem benignae ;

Qualiave miltis nauta laboribus,
Elapsus aequor fluctibus horridum
Et saevientis murmura austri,
Sosper humum patriae salutat.

Sic te sereno pectore Galliae,
Gens et vetussi nobilis Illi,
Rheni accola, Muraeque potor
Depositis venerantur armis.

Conjux amato reddita conjugi,
Gaudensque vinclis sponsa jugalibus
Te liberatorem celebrant
Inque tuos properant lacertos.

Mater peremtum credula filiunt,
Quassare ut artus senserat integros,
Imponit aeternum corymbi
Grata tuo capiti nitorem.

Quocunque flectis lumen amabile
Pacata cunctos gratia detinet,
Talis favor Rama securus
Scipiadum Deciumque vultus.

Proles honestis orta parentibus
Te digna confert praemia, jam tuas
Balbutiens exsultat infans
Ingenuas memorare laudes.

Stravere multi militiae duces
Munita vastis oppida maenibus,
Concessa paucis vera laurus
Pacis opes revocare bello.

Trux Hannibal, portas dera Romuli
Flammis paratus, substitit Alpibus,
Victisque, victorem morantem
Deliciae Capuae tenebrant.

Non delicatis sensibus obrutus,
Celsum cacumen despicis Alpium,
Et quot voluptatum illecebras
Suppeditant Capuae recessus.

Accedis alta maenia Mantuae,
Cui flexuosus Mincius obstrepit,
Ripaeque cannarum feraces
Murmure arundineo susurrant.

Doctus sagittas tendere Noricas,
Deliberato concilio acrior,
Defendit urbanas cohortes
Carminibus celebrandus heros.

Sed quid periti prompta ducis manus,
Explosa et igni machina torrido,
Contra potentis tela dextra,
Bonaparte, tua valerent.

Non contumaces pertulit impetus,
Crebos nec ictus Mantua Galliae,
Tandemque, castris occupatis,
Fessa tuis occidit trophais.

Dum victor audis, pulvere sordidus
Andina lustrans puscua Martia,
Dignus Camanarum sacerdos
Virgilii patriam tueris.

Divina talis gloria Palladis
Plectris inhaesit dulce sonantibus,
Thebani Alexander pepercit
Cum generi domuique vatis.

Quo castra ponis, quoque moves loco,
Pugnae secundus te manet exitus,
Laurusque victrices perenni
Fronde tuas aquilas obumbrant.

Sedes superbas, quas Athesis rigat,
Cernis subactas, quas Padus alluit,
Quotque inferi terras coercent,
Quotque maris superi fluenta.

Nunc bellicosae flectis ad Austriae,
Dravique fines, impiger hostium
Turbare crescentes catervas,
Quaeque tuos aditus morantur.

Armis recessit mox ubi Gratium,
Latae peragras oppida Stiriae,
Paratus ad portas Viennae
Tendere Danubiique ripas.

Patrocli ademti funera vindicans
Non aestuantis dorsa perhorruit
Irata Pelides Scamandri,
Nec rapidi Simaentis undas.

Sic te, remotis reddere gentibus
Normam volentem legis et ordinis
Et liberae adspectum diei,
Littora nec fluvii retardant.

Ast illa, verae splendor adoreae,
Quae palma, nullis tincta cruoribus,
Disjuncta nectit corda vinclis
Jamque novis foliis superbit.

Hac te decorum cum videt Anglia,
Ponit minaces effera spiritus,
Frendetque nil priscas valere
Et manuum ingeniique vires.

Sic pax resurgat, cinctaque spiceis
Illustret orbem tempora frondibus,
Aedemqie honoratam Minerva
Mercuriique lares frequentet.

Non ulla saevae verba licentia,
Non improborum jurgia civium
Laedant virescentes olivas
Inque hominum gravidas salutem.

Sed nos quotannis, te duce sospites,
Plenis juvabit fundere poculis
De vite fragrantem Mosellae,
Bonaparte, tibi liquorem.

Quels poètes ou quels citoyens pourront honorer tes combats de  louanges assez éloquentes, pour ront , ô Bonaparte ! Transmettre tes triomphes aux siècles à venir ?

Partout où tu portes la guerre, la gloire vole avec toi, la terreur saisit les phalanges ennemies : leurs cohortes croient voir étinceler ta chevelure de flammes qui les frappent d'effroi.
S'il faut une grande valeur pour chasser loin des frontières ceux qui attaquent les droits et la liberté de la patrie, c'est un comble de gloire au-dessus des plus hauts trophées que d'y ramener la paix.
Tel que Phoebus en renaissant, dégage l'éclat du jour des nuages qui l'obscurcissent, et dissipant les ténèbres, répand la joie sur le sein fécond de la terre ;

Ou tel qu'après de longs travaux un pilote échappé aux flots hérissés des mers, et aux menaces de l'aquilon en fureur, salue enfin la terre de sa patrie ;

Tels, oubliant leurs peines, le peuple des Gaules et les nobles descendans de l'antique Ilium, les habitans du Rhin et ceux qui boivent les eaux de la Muër te célèbrent, en déposant leurs armes.

L'épouse rendue à son époux bien aimé, celle qui met tout son bonheur dans les nœuds qui lui sont promis, célèbrent en toi leur libérateur, et se précipitent dans tes bras.

La mère qui croyait avoir perdu son fils, le voyant accourir sain et sauf, pleine de reconnaissance, vient placer sur ta tête un lierre immortel.

Quelque part que tu fixes tes aimables regards, leur grâce paisible captive tous ceux qui t'approchent : ainsi la faveur publique suivait à Rome les Scipions et les Décius.

Les enfans nés de parens honnêtes, t'offrent des prix dignes de toi : et ceux qui balbutient encore s'essaient, pleins de joie, à chanter ingénuement tes louanges.

Plusieurs chefs de cohortes guerrières ont renversé des cités enceintes de vastes murailles : il en est peu qui aient obtenu la solide gloire de ramener par la guerre les douceurs de la paix.
Le féroce Annibal, résolu à livrer aux flammes la ville de Romulus, fut arrêté par les Alpes ; et quand il les eut vaincues, les délices de Capoue retinrent et retardèrent le vainqueur.

Tu n'es point ainsi dominé par la faiblesse de tes sens. Tu regardes avec mépris et le sommet des Alpes, et tous les attraits qu'étale la volupté dans la retraite de Capoue.

Tu t'approches des murs de l'altière Mantoue, que le Mincio environne avec bruit de ses ondes sinueuses, et ses rives retentissent du murmure des roseaux dont elles sont couvertes.

Habile à lancer les flèches d'Illyrie, un général plein de valeur et de sagesse, digne d'être célébré par les chants des poëtes, commande les cohortes qui défendent la ville.

Mais que peut le bras intrépide d'un chef expérimenté ; que pourraient ô Bonaparte ! les explosions brûlantes des instrumens de la mort contre les traits lancés par ta main puissante ?

Mantoue n'a pu résister à l'impétuosité constante, aux coups réitérés des Français ; et le camp qui la défendait étant tombé en ton pouvoir, lasse enfin de tant d'efforts, elle a succombé sous tes trophées.
Tandis qu'on chante ta victoire, couvert encore de la poudre des combats, tu visites les pâturages d'Andès ; et digne prêtre des muses, tu protèges la patrie de Virgile.

Ainsi la gloire de la divine Pallas, couvrit d'honneur une lyre harmonieuse, lorsqu'Alexandre épargna la famille et la maison du chantre thébain.

Partout où tu places ton camp ; où tu diriges ta marche, tes combats ont d'heureux succès ; et les lauriers de la victoire ombragent tes drapeaux d'un feuillage immortel.

Tu vois soumis à tes armes et les murs superbes que l'Adige arrose, et ceux qu'environne le Pô, et ceux que battent les flots des deux mers…


Tu marches vers les frontières de la belliqueuse Autriche, et vers les bords de la Drave, infatigable à disperser les troupes toujours croissantes des ennemis, dès qu'elles veulent retarder ton passage.
Bientôt Gratz est soumis à tes armes : tu parcours les cités de la vaste Styrie, prêt à tourner tes pas vers les portes de Vienne, et vers les rives du Danube.

Pour venger la mort de Patrocle, le fils de Pélée ne craignit ni les vagues irritées du Scamandre, ni les flots du rapide Simoïs.


Ainsi quand tu veux rétablir chez les nations lointaines la force des lois et de l'ordre public, et faire briller pour elles le jour de la liberté, ni les rivages, ni les fleuves ne peuvent t'arrêter.

Elle en a seule le pouvoir, cette palme qui n'est point ensanglantée, symbole éclatant de la véritable gloire, qui enchaîne les cœurs désunis, et qui s'enorgueillit déjà de ses feuilles nouvelles.
La farouche Angleterre qui t'en voit décoré, appaise ses esprits menaçans, et frémit de voir impuissante l'antique vigueur de ses armes et de son génie.

Qu'ainsi la paix puisse renaître, que le front ceint d'épis et de feuillages, elle rende à l'univers tout son éclat : qu'elle visite les temples de Minerve et les autels du dieu des Arts.
Que les discours d'une barbare licence, que les injures des citoyens pervers ne blessent point ses oliviers verdoyans, chargés de fruits pour le bonheur des hommes.

Mais nous, que ta valeur a sauvés, nous viendrons tous les ans, ô Bonaparte ! verser en ton honneur, à pleine coupe, la liqueur des vignes de la Moselle.