Ours de Berne (L')

Auteur(s)

Année de composition

1793

Genre poétique

Description

Mots-clés

Musique

Paratexte

Fable allégorique

Texte

Bons ou mauvais, tout peuple a ses usages,
Ses mœurs, son génie et ses lois.
Dans un pays habité par des sages,
À Berne, on prétend qu'autrefois
On avait par exemple, une étrange coutume ;
Celle d'entretenir aux dépens du canton
Un ours bien gros, bien fort, de haute extraction,
Remarquable surtout par son brillant costume :
Et le peuple de croire (effet du préjugé !)
Que l'ours une fois mort, un trépas si funeste
Par un fléau, né du courroux céleste,
À l'instant même était vengé.
Mais si le peuple est parfois trop crédule,
Avec l'arme de la raison
On peut détruire aisément son scrupule.
L'ours de Berne, en trois jours, d'une indigestion
Vit terminer sa pénible existence :
Le peuple ému, du ciel redoute la vengeance :
Mais le ciel reste calme, et loin de s'indigner,
Dans le canton il répand l'abondance :
Le commerce fleurit ; partout on voit régner
La paix, la sûreté les beaux-arts, l'opulence.
Il fit beau voir alors leur ébahissement.
Quoi donc, se disaient-ils, l'ours a perdu la vie
Et le ciel nous protège aussi visiblement !
Entretenir autre ours serait grande folie :
Que Dieu nous en préserve ! Il n'est point d'animal
Qui nous ait tant coûté pour vivre :
Nous voilà tous heureux : le sort nous en délivre,
Et l'État ne va pas plus mal.

 
 

Sources

Almanach des Muses de 1794, ou Choix des poésies fugitives de 1793, Paris, Delalain, an II, p. 163-164.