Portrait des rois (Le)
Auteur(s)
Paratexte
Texte
Air nouveau
Inspiré par le Dieu qui règne en son enceinte,
Peuple, je vais chanter, dans le temple des lois,
Le triomphe immortel de l'Égalité sainte,
Et la chute des rois.
Daignez tous applaudir au zèle qui m'enflamme :
Je saurai vous prouver que les plus grands talens
Doivent céder au feu qu'allume dans mon âme
La haine des tyrans.
Garans de cette haine et franche et vigoureuse,
Que mes chants, répétés par de nouveaux Romains,
Soulèvent l'univers contre la horde affreuse
Des odieux Tarquins.
Depuis l'altier Nembrod jusqu'au lâche Tibère,
Depuis notre Clovis jusqu'au dernier Louis,
Quel brigand couronné n'a pas souillé la Terre
De forfaits inouïs ?
Despotes insolens, ces monarques féroces,
En le faisant courber sous leur sceptre de fer,
N'ont tous du monde entier, par leurs crimes atroces
Fait qu'un horrible enfer.
Des droits sacrés de l'Homme, usurpateur avide,
Parjure à son serment, et traître envers la loi,
De son pays enfin, cruel liberticide,
Voilà le premier roi !
Par le peuple choisi pour lui servir de père,
À peine a-t-il le front ceint d'un royal bandeau,
Qu'on lui voit déployer l'infâme caractère
D'un infâme bourreau.
Tel qu'un tigre affamé, que le besoin dévore,
Écumant de fureur, court les bois et les champs,
Tel ce tyran aveugle et plus terrible encore
Prend ses ébats sanglans.
Sur la nef de l'État, ici le téméraire
Vole de plage en plage et d'écueil en écueil ;
Là, conquérant superbe, il écrase la Terre
Du poids de son orgueil !
Vous tous qui frémissez à l'aspect effroyable
De ce hideux portrait qu'ébauchent mes crayons,
Reconnaissez en lui l'image épouvantable
Du premier des Nérons !
N'est-il pas temps qu'au bruit de cent foudres qui roulent
Disparaissent soudain ces monstres dévorans ?
N'est-il pas temps qu'au bruit de leurs trônes qui croulent
Tombent tous les tyrans ?
Contre la liberté dans leur rage impuissante,
À quoi bon trament-ils tant de complots divers ?
La liberté les brave, et partout triomphante,
Plane sur l'univers !
Peuples fiers et bouillans, sa douceur et ses charmes
Du plus beau feu pour elle embrasant vos grands cœurs
Ne vous feront-ils point tourner enfin vos armes
Contre vos oppresseurs ?
Comme nous, en ce jour, à la voix de la gloire,
Ne vous verra-t-on point, soldats électrisés,
Pour conquérir vos droits, marcher à la victoire
Sur leurs corps écrasés ?
Peuples, voyez déjà le Ciel qui nous seconde,
De son arrêt de mort frapper la royauté,
Pour nous faire élever sur le trône du monde
La sainte Égalité.
Patrone des Français, déité tutélaire,
Daigne fixer pour eux, sous l'empire des lois,
Le bonheur trop long-temps exilé de la terre
Par les crimes des rois !
Entre les nations, de ta main généreuse,
Formant un doux lien, un nœud cher et sacré,
Ne fais du monde entier qu'une famille heureuse
Sous ton règne adoré !
Puisse enfin, grâce à toi, l'amitié fraternelle
Sur la terre bientôt déployer à nos yeux,
L'image du bonheur qu'une paix éternelle
Nous offre dans les cieux !