Prise de la Bastille (La)

Auteur(s)

Année de composition

1791

Genre poétique

Description

Huitains d'heptasyllabes en rimes croisées

Mots-clés

Musique

Paratexte

Texte

Air : Aussitôt que la lumière

Est-il bien vrai que je veille
Et que mes yeux soient ouverts ?
Quelle étonnante merveille
Frappe aujourd'hui l'univers !
Launay, le Ciel nous seconde !
Tes efforts sont superflus :
Un seul instant l'airain gronde
Et la Bastille n'est plus !

Que le beau feu qui m'anime
T'électrise en ce moment,
Français ! Peuple magnanime,
Cède à mon ravissement.
L'exécrable despotisme,
Implorant de vains secours,
Soudain aux cris du civisme,
A vu s'écrouler ces tours.

D'une terrible épouvante,
Remplissant tout Jéricho,
Tel est son ardeur bouillante,
Josué jeune héros,
De la trompette guerrière,
Au éclats retentissants,
Voit de cette ville altière,
Tomber les murs insolents !

Toi qui déchirant ton âme,
Au récit de tes malheurs,
De cette Bastille infâme,
Nous dévoile les horreurs,
Épargne à l'homme sensible
Le trop douloureux récit
Pour peindre ce lieu terrible
Sur cent traits, un seul suffit.

Des cris perçants et funèbres,
Poussés par désespoir,
Font du prince des ténèbres,
Abhorrer l'affreux manoir.
Mais peuplé de tous les vices,
L'enfer, séjour du démon,
N'est qu'un palais de délices
Auprès de cette prison.

À l'heure si fugitive,
Quand reprochant sa lenteur,
Ici vertu plaintive
Succombait à sa douleur,
Qui régnait sur ma patrie ?
Qui donc lui donnait ses lois ?
Était-ce dans leur furie,
Ou des monstres, ou des rois ?

Saturnes abominables,
Qui dévorez vos enfants,
Qui des pleurs misérables,
Engraissez les courtisans.
Si quelques dieux tutélaires
Aux mortels vous ont donnés
Fût-ce pour être des pères,
Ou des bourreaux couronnés ?