Proscrit du 31 mai (Le)

Auteur(s)

Année de composition

s.d.

Genre poétique

Description

Quatrains en rimes croisées

Paratexte

Paraphrase du psaume 58 Eripe me de inimicis meis, Deus meus

Texte

Délivre-moi, grand Dieu ! de mes persécuteurs ;
De ces hommes de sang, avides de carnage ;
Tire-moi de leurs mains ; sauve-moi de leur rage ;
Ne m'abandonne pas dans ces jours pleins d'horreurs.

Mais déjà leur foule m'assiège :
Ils sont prêts à fondre sur moi.
Seigneur, je suis perdu sans toi ;
Ma tête va tomber sous leur bras sacrilège.

Ce n'est pas, ô mon Dieu ! sur mon iniquité,
Peur me traiter ainsi, que leur fureur s'appuie ;
D'aucun crime jamais je n'ai souillé ma vie ;
Et ton nom dans mon cœur fut toujours respecté.

Regarde combien est extrême
Le péril affreux que je cours ;
Lève-toi, vole à mon secours,
Toi le Dieu d'Israël, toi la puissance même.

Que ces vils scélérats à tes pieds abattus,
Dans leurs larmes en vain implorent ta clémence ;
Et que leur désespoir, dans ta juste vengeance,
Te trouve sans pitié, comme ils sont sans vertus !

Ce soir, ils reviendront encore,
Ces tigres que la faim poursuit ;
Ils reviendront pendant la nuit,
Pour dévorer leur proie au retour de l'aurore.

Ils marcheront sans bruit ; ils parleront tout bas ;
Ils s'environneront d'un lugubre silence ;
Ils se diront entre eux : « Le voilà sans défense !…
C'en est fait ! À nos coups il n'échappera pas. »

Et toi, mon Dieu, dans ta colère
Tu confondras tous leurs projets ;
Et lassé de tant de forfaits,
De ces monstres enfin tu purgeras la terre.

Je les verrai périr : oui, tu me montreras
Les coups inattendus que ton bras leur prépare.
Tremblez, tyrans, tremblez… L'Éternel se déclare ;
Du trône à l'échafaud vous n'avez plus qu'un pas.

Dès qu'ils auront dans les supplices,
Expié leurs crimes affreux,
On verra s'élever contre eux
Le peuple tout entier et leurs propres complices.

Tout sera découvert : leurs plus secrets desseins,
Cachés avec tant d'art, sortiront des ténèbres ;
Et leurs noms, devenus horriblement célèbres,
Appelleront partout la mort des assassins.

Alors la timide innocence
Relèvera son front serein ;
Le peuple lui tendra la main,
Et la consolera de sa longue souffrance.

Que ce jour sera doux pour les hommes de bien !
Ô Dieu clément et bon, daigne en hâter l'aurore !
Mais s'il faut que le juste, hélas ! gémisse encore,
Que ton bras paternel lui serve de soutien !

Pour moi, dont tu pris la défense,
Je célébrerai tes bienfaits.
Ma voix ne cessera jamais
De publier ta gloire et ma reconnaissance.

 
 

Sources

Almanach des Muses pour l'an V de la République française, ou Choix des poésies fugitives de 1796, Paris, Louis, an V, p. 185-187.