Stances à l'Être suprême

Auteur(s)

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Quatrains de deux octosyllabes enchâssant deux alexandrins en rimes embrassées

Texte

Air : du citoyen Feray « Tout manifeste ta grandeur… »

Tout manifeste ta grandeur,
Tout annonce aux mortels ta suprême puissance ;
L'ordre de l'Univers et sa magnificence,
Tout nous prouve un Dieu créateur.

Écoute, incrédule mortel :
Aux accens de ma voix abjure l'athéisme !
Ils sont enfin détruits les jours du fanatisme,
La Raison brise son autel.

Et vous, tyrans audacieux,
Sous les débris pompeux de vos fragiles trônes,
Rentrez dans la poussière ! Abaissez vos couronnes
Devant le souverain des cieux.

Vous sûtes nous en imposer ;
Mais le prestige cesse : osez enfin répondre.
Insensés ! La Raison a trop su vous confondre ;
Elle a su nous désabuser.

Toi, dont l'éclat frappe nos yeux,
Soleil ! Quand tu répands ta lumière féconde,
Quel spectacle imposant tu sais offrir au monde,
Du haut de ton char radieux !

Vastes mers dont la profondeur
Offre aux regards surpris une sublime image ;
Par votre majesté, vous m'annoncez l'ouvrage
De votre bienfaisant auteur.

Les ruisseaux, les prés et les bois,
Les vallons, les coteaux, la cime des montagnes,
Le tableau consolant des riantes campagnes
Démontrent ses suprêmes lois.

Ordre immuable des saisons,
Eh ! Quel autre qu'un Dieu put régler votre empire ?
C'est par le mouvement qu'il a su vous prescrire
Que la fleur succède aux glaçons.

Il vous créa, petits oiseaux,
Pour égayer des bois le calme et le silence ;
Dans vos brillans concerts chantez sa bienfaisance
Il assure votre repos.

Le tigre même au fond des bois,
Dans son farouche instinct reconnaît sa puissance ;
Et d'une aveugle rage apaisant la vengeance,
S'arrête aux accens de sa voix.

Et toi, mortel astucieux,
Toi que ce Dieu forma pour être son image,
Tu sembles réfuter son immortel ouvrage
Par un sophisme insidieux.

Ce Dieu pourvoit à tes besoins,
Et tu doutes de lui ! Tu peux lui faire injure,
Ingrat ! Ce bienfaiteur de toute la Nature,
Pour toi d'un père a tous les soins.

Résiste donc à sa bonté !
Après t'avoir donné la raison pour partage,
Par un nouveau bienfait consommant son ouvrage,
Il te donne la liberté.

C'est lui qui dirige ton bras ;
Il fixe sur tes pas le char de la victoire ;
Et, du haut de son trône, environné de gloire,
Il te guide dans les combats.

Toujours attentif à tes droits
Qu'une trop longue erreur avait fait disparaître,
Il dit à la Raison : faites-les lui connaître ;
Elle descendit à sa voix.

D'un culte superstitieux,
Bientôt il détruisit les honteuses chimères
Qui t'ont fait adopter les erreurs mensongères
De ces prêtres fallacieux.

Son œil, perçant l'immensité,
De ton long esclavage il a brisé les chaînes ;
Et toujours occupé de soulager tes peines,
Il t'envoya l'égalité.

Malgré ton incrédulité,
En punissant les rois il a tari tes larmes ;
Peux-tu douter encore, en goûtant tant de charmes,
De son pouvoir, de sa bonté ?

Ô mon Dieu ! Grave dans nos cœurs
La haine des tyrans, l'amour de la patrie !
Vois dans tous les Français ta famille chérie,
Et sur eux répands tes faveurs.