Strophes à l'Être suprême

Année de composition

1794

Genre poétique

Description

Huitains d'octosyllabes en rimes croisées

Texte

Air des Petits Montagnards

Trop long-temps des dieux fantastiques
Ont fait trembler tout l'univers ;
Au nom de ces dieux chimériques,
Des scélérats rivaient nos fers.
Le peuple libre d'anathème,
Frappant la superstition,
Vient adorer l'Être suprême
Dans le temple de la Raison.

Ce Dieu n'est point le Dieu des prêtres,
Injuste, cruel, orgueilleux ;
Le créateur de tous les êtres
Nous fit naître pour être heureux.
Qu'en nos mains l'encensoir se brise :
Rejetons un culte imposteur ;
Abjurons l'esprit de l'Église,
Mais respectons le Créateur.

Vérité, raison et lumière,
Tels sont ses dignes attributs ;
Son temple est la Nature entière,
Et son encens sont nos vertus.
Entendons sa voix qui nous crie :
On doit chérir l'humanité ;
Ne vivre que pour la patrie,
Et mourir pour la liberté.

En abjurant le fanatisme,
Fuyez un piège dangereux ;
Voyez le hideux athéisme
Qui cherche à fasciner nos yeux :
Mais peut-il voiler la lumière ?
Contre lui nos cœurs sont témoins ;
Si le crime a souillé la Terre,
La vertu n'existe pas moins.

Contre nous des complots perfides
Se renouvellent chaque jour ;
Chaque jour ces plans parricides
Sont déconcertés tour à tour :
Quel homme aveugle ou téméraire,
Dans ces prodiges réunis,
Méconnaîtrait la main d'un père
Qui soutient des enfans chéris ?

De nos champs voyez la richesse ;
Voyez ces grappes, ces épis :
Sous nos pieds la terre s'empresse
De nous prodiguer tous ses fruits :
Eh ! N'est-ce pas la Providence
Qui féconde ainsi nos guérets ?
Qui… Tout prouve son existence,
Et tout atteste ses bienfaits.

Quand sur Dieu l'homme s'interroge,
Qu'en soi-même il veut y songer,
Il dit : le monde est une horloge
Dont il existe un horloger.
D'avoir fait cet œuvre admirable,
Pour dignement le remercier,
Faisons une action louable
À chaque trait du balancier.