À M. de La Fayette
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Paratexte
Texte
Les demi-dieux du bon vieux temps
Ressemblaient au fils de Dédale ;
Pareille audace, chute égale.
Hercule abattait les tyrans,
Mais il filait aux pieds d'Omphale.
L'implacable enfant de Thétis
Se venge sur toute la Grèce
De la perte d'une maîtresse ;
Il sacrifie à Briséïs
La soif d'illustrer sa jeunesse
Et le salut de son pays.
Alexandre, en sa frénésie,
Ravage l'Europe, l'Asie ;
Et sur la foi de ses flatteurs,
Le monstre, au sein de tant d'horreurs,
Pour éterniser sa folie,
Attend les célestes honneurs.
César, le plus grand des vainqueurs,
César asservit sa patrie.
Loin de nous ces dieux destructeurs !
Gloire aux guerriers législateurs,
Qui ne sont armés du tonnerre
Que pour mieux affranchir la terre
De ses fers ou de ses erreurs !
Gloire au chef savant dans la guerre,
Plus savant dans l'art de la paix,
Dont les armes sont des bienfaits,
Qui, de vains châtiments avare,
Éclaire un peuple qu'on égare
Au lieu de punir ses excès ;
Qui toujours ferme, irréprochable
Envers la patrie et son roi,
Malgré l'orage inévitable
Que l'anarchie impitoyable
Entraîne et fomente avec soi,
Par un serment irrévocable
Est la colonne inébranlable
De l'édifice de la loi !
Le riche salon de la fable
Ne saurait offrir ce héros ;
Mais quand le cri de tes rivaux
Aura cessé de te poursuivre,
La Fayette ; dans tes travaux
Quand tout entier tu pourras vivre,
L'équitable postérité,
En voyant leur tableau fidèle,
Dira : « Le voilà ce modèle
Qu'en vain cherchait l'Antiquité ! »