Nature et les trois ordres (La)
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Paratexte
Texte
Nature avait fixé son domicile
Près de ces lieux par la Suisse habités,
Où, méprisant le luxe des cités,
Le sage vit heureux, libre et tranquille.
C'est là qu'on vit, (chose rare à la ville,
Et sans exemple à la cour de nos rois !)
Travail, richesse, industrie, innocence
Vivant unis sous l'empire des lois.
Désir lui prit de voyager en France ;
En ce lieu-là, l'on n'est pas si bourgeois.
Sur son chemin, force gens d'importance
Se présentaient ; trois fixèrent ses yeux.
L'un, gras à lard, satisfait, radieux,
Enorgueilli d'une oisive opulence,
Se prélassait ; le second, dédaigneux,
Fraternisait avec son éminence,
Vantait son nom et citait ses aïeux.
Près d'eux un Tiers, dans une humble posture,
Suait, souffrait, travaillait pour tous deux ;
Il atteignait à peine à leur ceinture.
Madame, hélas ! dit l'ouvrier honteux,
Ayez pitié d'un pauvre souffreteux ;
Je suis leur frère, et par mésaventure,
Suis né petit, et partant malheureux.
Eh ! Mon ami, lui dit Dame Nature,
Tiens toi debout ; tu seras grand comme eux.
Qu'en avint-il ? Chacun sait l'aventure.