Ode d'un philanthrope républicain contre l'anarchie
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Prends les ailes de la colombe,
Prends, disais-je à mon âme, et fuis dans les déserts ;
Ou que l'asile de la tombe
Nous sépare enfin des pervers !
Une rose, vierge de Flore,
Un lys, beau d'innocence et brillant de candeur,
Du vent du sud qui les dévore
Aiment-ils l'insolente ardeur ?
Eh ! Que ferait l'agneau paisible,
Parmi des loups cruels, des tigres dévorants ?
Quel bras, quelle égide invisible
Peut nous défendre des tyrans ?
De ces cœurs soupçonneux, avares,
Redoutons les fureurs et même les bienfaits.
S'ils voulaient nous rendre barbares,
Nous associer aux forfaits :
Si de la noble indépendance,
Feignant de la venger ils outrageaient les droits ;
Si la bassesse et l'impudence
Succédaient à l'orgueil des rois :
Pareils au tortueux reptile,
Qui de ses nœuds rampants surmonte un chêne altier,
Dispute à l'aigle son asile,
Et chasse l'innocent ramier :
Élevés par la ruse oblique,
S'ils montaient aux honneurs, et sous leur joug d'airain,
S'ils osaient de la République
Abaisser le front souverain :
S'ils ensanglantaient notre histoire
De meurtres clandestins, sans périls, sans combats,
Et qui font rougir la victoire,
Amante de nos fiers soldats :
Si de la liste de leurs crimes,
Ils effrayaient nos murs et souillaient nos regards ;
S'ils traînaient parmi leurs victimes,
La vertu, l'honneur et les arts :
S'ils mettaient un lâche courage
À détruire en nos cœurs la sainte humanité ;
S'ils joignaient dans leur folle rage
La mort et la fraternité :
Si leur cupidité féroce
S'enrichissait de pleurs, changeait le sang en or,
Et souriait d'un œil atroce
À cet exécrable trésor :
Si d'un Dieu, niant l'existence,
Leur délire élevait un temple à la raison,
Et forçait même l'innocence
À boire leur affreux poison :
Douce pitié ! Si tes alarmes
Te rendaient criminelle à leurs coupables yeux :
S'ils venaient épier tes larmes,
Tes regards tournés vers les cieux :
Prends les ailes de la colombe,
Ô mon âme ! Fuyons, fuyons dans les déserts,
Ou que l'asile de la tombe…
Quoi ! Nous céderions aux pervers !
Non, non, c'est trahir la patrie.
Fuyez-la pour jamais, jours de sang et de pleurs !
Que sa gloire longtemps flétrie
Appelle et trouve des vengeurs !
Ô liberté ! Sois toujours chère !
Ceux qui te font haïr sont complices des rois ;
Et la licence meurtrière
Jamais n'a pu fonder tes droits.